Malgré une augmentation de 5,3 % de son activité globale, le marché de la pharmacie en France, estimé à 44 milliards d’euros, révèle en 2025 une rentabilité sous pression. Les causes sont multifactorielles : explosion de la masse salariale et des charges, inflation, hausse des taux d’intérêt, diminution des marges sur certains médicaments, etc. Sur les quelque 20 300 pharmacies françaises, 290 fermetures ont eu lieu en 2024, soit une par jour ouvré, et le nombre de dépôts de bilan pourrait s’alourdir en 2025.
« En dépit d’indicateurs apparemment favorables (au premier trimestre 2025, le chiffre d’affaire des officines a progressé de 4 %, NDLR), 20 % des officines présentent une trésorerie négative », indiquait récemment Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officines (USPO), au journal Le Moniteur des Pharmacies.
Dans ce contexte morose, le regroupement des officines (il en existe 330) semble être un remède économique efficace. Dans l’Hérault, Médiprix (248 officines, 2 500 collaborateurs) s’est hissé, en moins de dix ans, aux côtés d’acteurs majeurs comme Gyphar, Hygie31, Pharmacie Lafayette,… L’enseigne, qui adresse un marché des officines de taille moyenne à grande, a passé en 2024 le cap du milliard d’euros de chiffre d’affaires et vise plus du double d’ici cinq ans.
« Plus le marché se durcit, plus les pharmaciens auront besoin de la puissance d’un réseau comme le nôtre qui a su anticiper en rééquilibrant le rapport de force avec les laboratoires et en apportant des outils pour améliorer la gestion quotidienne », synthétise Jérôme Escojido, pharmacien, directeur général et cofondateur de Médiprix avec Bertrand Pagès et Michaël Strauss-Kahn.
L’IA pour faire mieux
Médiprix, qui affiche un taux de sortie annuel de moins de 2 %, dit fédérer en moyenne 30 à 40 pharmacies chaque année (aucune fusion ni acquisition). Depuis l’an dernier, l’enseigne part à la conquête du marché espagnol, où elle compte 15 officines et vise les 150 dans trois ans, 300 en 2030. Avec toujours la même logique, résoudre l’équation de la rentabilité.
Dès sa création, Médiprix a donc intégré 40 % de développeurs dans sa masse salariale afin de mettre à disposition du réseau des solutions logicielles adaptées pour automatiser la gestion.
« Nous avions anticipé l’utilisation de logiciels mais pas mesuré à quel point l’intelligence artificielle serait au cœur de la pharmacie de demain, confie le cofondateur de Médiprix. Le pharmacien va désormais pouvoir être conseillé sur tous les aspects de la gestion quotidienne : aide à la prise de décision pour une embauche, plan d’intéressement, politique des prix en fonction de la typologie du produit, de la zone d’activité ou de la concurrence. L’objectif étant d’améliorer de 70 % l’Ebitda des membres du groupement. »
De nouvelles solutions e-santé
Face à la progression des déserts médicaux, les pharmacies pourraient se retrouver en première ligne dans le système de santé, avec des missions élargies, comme le souhaite d’ailleurs la Caisse Nationale d’Assurance Maladie : prise en charge des conjonctivites, traitement des douleurs dentaires, vaccination du voyageur,… Sept nouvelles missions viennent d’être présentées à Matignon par le président de l’USPO pour désengorger les cabinets médicaux. Avec les data transitant par l’officine, le pharmacien imagine que son rôle pourrait être renforcé.
« Nous sommes aujourd’hui les premiers vaccinateurs de France sur la grippe, rappelle Jérôme Escojido. Demain le pharmacien pourra être prescripteur de soins au moyen de conseils personnalisés, d’une approche préventive et prédictive rendue possible par l’IA. »
C’est d’ailleurs la raison majeure pour laquelle Médiprix a fait entrer à son capital le groupe AXA en 2023.
Susciter des vocations
Face au danger de désertification pharmaceutique, soixante officines membres du groupement ont lancé, en décembre 2024, Médiprix Corporate, fonds d’aide doté de 5 millions d’euros visant à soutenir l’installation de jeunes pharmaciens par le biais d’obligations convertibles. Trois projets sont en cours. Mais le groupement veut aller plus loin.
« Près d’un tiers des places en deuxième année d’études de pharmacie n’est pas pourvu à la rentrée, s’inquiète Jérôme Escojido. La filière manque d’attractivité. Nous avons engagé des pistes de réflexion pour susciter des vocations et aider les étudiants à financer leurs études. »