Avec sa défaite face à Lens (1-2), l’OL a largement compromis ses chances de qualification pour la prochaine, et lucrative, Ligue des champions. De quoi plonger l’institution dans un grand péril financier.
Un OL au bord du gouffre. Décroché au plus mauvais moment de la course à la Ligue des champions, l’institution lyonnaise semble vaciller à tous les étages au lendemain d’une défaite face à Lens (1-2) qui compte au moins autant comptablement que mentalement. Sans parler de l’écueil financier si la lucrative compétition européenne ne revient pas, 5 ans après la demi-finale de Ligue des champions à Lisbonne face au Bayern Munich.
Car si la saison sportive propose encore deux rendez-vous à Monaco et devant Angers pour envisager un strapontin européen, l’intersaison annonce déjà un avenir incertain, sur fond de rétrogradation en Ligue 2 prononcée par la DNCG le 15 novembre dernier. Et toujours (voire plus) d’actualité. Tour d’horizon.
Cherche rebond sportif
Rayan Cherki accroupi, le regard triste pointé vers la pelouse et le visage dissimulé dans son maillot, sous une pluie intense: au coup de sifflet final ce dimanche après-midi, le leader technique lyonnais incarnait à lui seul le sentiment d’un groupe, qui semble ne pas s’être remis encore de la prolongation maudite de Manchester United. Ces 415 secondes de l’après-pénalty réussi d’Alexandre Lacazette (2-4), avec trois buts pris en quelques minutes.
“Le traumatisme ne s’efface pas en quelques heures”, murmure un dirigeant.
Le derby entre Lyon et Saint-Étienne, perdu dans la foulée dans un match qui fera encore parler de nombreuses soirées, a accentué le malaise que la victoire face à Rennes a temporairement caché.
En 95 jours et 13 matchs – le technicien portugais est arrivé le 31 janvier – Paulo Fonseca n’a guère plus fait avancer la maison OL que Pierre Sage, débarqué après 19 journées et dans une période de moins bien relatif: le club était 6e à 4 points du 3e (Monaco) après une série de nuls mais l’entraîneur lyonnais payait surtout l’élimination des Gones en Coupe de France aux tirs au but face à Bourgoin-Jailleu, une équipe de National 3.
Un peu plus de trois mois plus tard, l’OL est désormais 7e à…4 points du podium et de Monaco. Le pari de faire passer un cap à son groupe est mathématiquement et factuellement manqué par John Textor. Les joueurs savent ce qui leur reste à faire – carton plein – tout en scrutant les résultats des autres.
“Nous ne sommes pas hors course, même si le chemin est plus compliqué désormais”, résumait après le match Jorge Maciel, l’adjoint de Paulo Fonseca.
Avec l’espoir que les planètes s’alignent comme la saison passée dans la même course inespérée à l’Europe. Au fil de cette année cauchemar, l’OL avait ainsi été européen une seule minute dans la saison. C’était la bonne: la dernière du temps additionnel du dernier match sur un pénalty d’Alexandre Lacazette. Bis repetita?
Cherche DG désespérément
Où est Laurent Prud’homme? Nommé en décembre 2023, le directeur général n’a plus enfilé le costume du club depuis l’après-Manchester avec une première absence “visible” lors du 126e derby, le 20 avril dernier. Il ne l’était pas non plus une semaine plus tard, à la remise marketing d’un maillot du club à l’un des partenaires sur la pelouse. En lieu et place, Mickael Gerlinger, directeur du football de la galaxie Eagle, l’entité qui chapeaute les clubs (OL, Botafogo, Molenbeek et Cristal Palace) de la structure de John Textor, Paulo Fonseca (qui avait eu droit à ce passage exceptionnel sur la pelouse malgré sa suspension, en attendant ce mardi la réponse du CNOSF sollicité pour une conciliation) et Mathieu Louis Jean, directeur technique de l’OL.
Si l’ex-patron de L’Équipe se mure dans le silence, le club, contacté, indique “qu’il fait toujours partie des effectifs”. Difficile dans ce peu de mots, souvent gênés, d’opérer un tri objectif et instructif de la situation. Le temps et des informations officielles permettront peut-être à court terme d’y voir clair.
Le contexte d’un pouvoir réparti en urgence, en interne et par intérim sur plusieurs autres têtes, fragilise une gouvernance qui avait permis aux mêmes hommes de sauver le club entre janvier et mai 2024. Tout est donc très fragile à l’OL, qui arrive à régler par exemple un premier dossier complexe, celui de la FFF qui n’avait pas, dans un premier temps, octroyé la licence permettant à l’OL de disputer la Coupe d’Europe la saison prochaine. Le club indique aujourd’hui qu’il sera entendu dans le cadre d’un appel à la fin du mois et que tout devrait rentrer dans l’ordre, avec la communication de divers documents manquants la première fois. Reste que tout ceci fait l’effet d’une cacophonie mal venue.
Propriétaire cherche argent
D’autant que les finances, elles-aussi, accentuent cette impression de fragilité. Et de flou. Pour le moment, à part les ventes du mercato de janvier (60 millions d’euros), le plan de départ volontaire au niveau administratif (une centaine de personnes) et l’apport en liquidités (83 millions d’euros), les autres promesses sont à l’arrêt, notamment l’introduction en bourse à New York et ses 175 millions espérés ainsi que la vente des parts d’Eagle dans Crystal Palace.
Dans la foulée de ces projections, le groupe annonce, noir sur blanc, un “plan global de recapitalisation visant le financement global des fonds propres de 1,1 milliards de dollars”. Et le texte de détailler: “Il se ventilerait ainsi: 100 millions de dollars de fonds propres, 500 millions de dollars par l’émission d’actions ordinaires d’Eagle Football via son introduction à la bourse de New York, prévue au premier trimestre 2025, 500 millions de dollars en vendant les parts de Crystal Palace (espéré en novembre 2024 et géré par la banque Raine, d’après le communiqué) et en faisant rouler la dette” indiquait le communiqué à l’époque.
Six mois plus tard, aucun feu vert de cette introduction n’apparait sur les radars. Et au dernier exercice publié fin mars – cotation en bourse oblige – la photographie à l’instant T donne encore le tournis: même si elle a baissé, la dette reste colossale. 445 millions d’euros contre 504… Et le taux d’emprunt de l’argent au fonds Ares (400 millions d’euros à 14%) donne un autre ordre d’idée de l’engrenage actuel, entretenu par de folles rumeurs sur un dossier financier aux ramifications gigantesques que peu de personnes ne maîtrisent mais que beaucoup commentent.
Les retards de paiement à des fournisseurs et/ou acteurs du monde du foot, qui font flores entre Rhône et Saône, du club à Décines à l’Académie, accentuent un sentiment de panique alors que la DNCG va augmenter la rigueur de ses lectures des bilans des clubs. L’OL vient aussi de régler une amende à la Fifa comme 12 autres clubs qui ont fait, d’après l’organisme mondial du foot, “l’objet de la même procédure devant l’organe de contrôle financier des clubs de l’UEFA (ICFC) pour avoir des dettes impayées envers d’autres clubs, des employés et/ou des autorités sociales et fiscales”. L’institution lyonnaise a même dû s’acquitter de la plus conséquente enveloppe: 200.000 euros, une somme réglée il y a quelques jours.
Concernant les relations avec Ares, le club renvoie à la conférence de presse fleuve du 16 novembre dernier au cours de laquelle John Textor avait été rassurant concernant son prêteur. “C’est un prêteur privé au niveau de la Holding, ce n’est pas un prêt au niveau de l’OL et d’Eagle Football Group. Le niveau d’intérêt très élevé est typique de ce genre d’investissements. Leurs seules garanties sont mes actions et celles des autres actionnaires. Je paierai cette dette dans 4-5 ansn expliquait-il. Et John Textor de conclure: “Ares, ce n’est pas le grand méchant loup. Ils ont 34 % dans l’Atlético de Madrid. Ne vous inquiétez pas pour Ares”.
Ces propos ont-ils pris des rides, depuis? Sont-ils toujours d’actualité face à des infos venant du Brésil qui précisent que “si le club ne parvient pas à organiser ses finances avec son créancier, Ares Capital Corp pourrait acquérir des actions d’Eagle Football Holding en échange de milliards de prêts et devenir l’actionnaire majoritaire, prenant ainsi le contrôle de John Textor”. On ne prête pas l’intention au propriétaire du club lyonnais de commenter, de nouveau, d’une manière ou d’une autre ces informations.
Supporters cherchent boussole
D’où une atmosphère de flou et de panique qui gagne les supporters de l’OL plutôt calmes, se contentant de banderoles comme celle des Bad Gones il y a quelques jours au fronton du stade à Décines.
“Sans pognon à la fin de saison, Molenbeek? Botafogo? Lyon? Qui sera le pigeon?”
Quand “les Gones du virage nord”, un collectif indépendant de fans qui revendique 220.000 suiveurs sur les réseaux sociaux (Facebook et Instagram) depuis 10 ans, écrit: “Nous avons grandi avec l’OL, qui n’est pas seulement notre équipe mais notre identité, notre fierté et notre héritage. Et pourtant, jamais nous ne l’avons senti aussi fragile. L’OL ne vous appartient pas. Il appartient à ses supporters, à ses anciens, à ses enfants. On ne joue pas avec l’OL. Le silence est une prise d’otage”
D’où cette impression de fans comme figés par la peur de la suite, bien au-delà d’une manifestation d’un simple mécontentement après une défaite, dans une saison où beaucoup reprennent la formule de Moussa Niakhaté, après l’enchaînement Manchester-derby: “J’ai l’impression d’avoir traversé 4 vies en quelques heures”. Et la saison n’est pas terminée…