« Les règles européennes font que nos voitures sont toujours plus complexes, toujours plus lourdes, toujours plus chères, et que les gens, pour la plupart, ne peuvent tout simplement plus se les payer. » Le directeur général de Renault, Luca de Meo, n’a pas mâché ses mots dans une interview au journal Le Figaro, accordée avec John Elkann, le président du groupe Stellantis. Pour les deux dirigeants, l’offre n’est aujourd’hui pas en adéquation avec la demande sur le Vieux Continent, ce qui expliquerait pourquoi le marché automobile européen est toujours en dessous de son niveau d’avant Covid (15 millions de véhicules vendus en Europe en 2024 contre 18 millions cinq ans plus tôt).
Pour les deux responsables, l’Europe doit retrouver le chemin de la voiture populaire pour relancer son marché. « Ce que nous demandons, c’est une réglementation différenciée pour les petites voitures. Il y a trop de règles conçues pour des voitures plus grosses et plus chères, ce qui ne nous permet pas de faire des petites voitures dans des conditions acceptables de rentabilité », assure Luca de Meo. Renault et Stellantis souhaitent que ce sujet soit à l’agenda des réformes attendues de la Commission européenne.
Les réglementations fixées par Bruxelles font souvent l’objet d’un bras de fer avec les constructeurs automobiles. La Tribune fait le point sur ces tensions en neuf articles.
✍Normes CO2 : les constructeurs gagnent une bataille
Les constructeurs ont récemment eu gain de cause sur la norme dite « Cafe » (pour Corporate Average Fuel Economy), qui vise à réduire leurs émissions de CO2. Celle-ci prévoyait, dès cette année, une amende contre ceux qui ne vendraient pas assez de modèles électriques. Mais la Commission européenne a accepté début mars de revoir l’échelle de calcul. Elle portera finalement sur trois ans (2025 à 2027) plutôt que sur un seul, offrant ainsi un répit aux constructeurs retardataires.
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Une concession accordée après une croisade menée par nombre d’entre eux. Ils ont ces derniers mois tiré à boulet rouge contre cette réglementation européenne, qu’ils ont souvent dénoncé comme une hérésie. Car, pour eux, les amendes auraient davantage plombé le secteur, déjà en crise, chiffrant la facture des sanctions à quelque 16 milliards d’euros. Ils estiment en outre avoir fait le nécessaire pour proposer une offre suffisamment étoffée de voitures électriques et considèrent ne pas être responsables de la faible appétence des consommateurs pour les véhicules à batterie.
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📰 Normes CO2 : le secteur automobile pointe l’inertie de Bruxelles
Si Bruxelles a lâché du lest, pour accorder la « flexibilité » réclamée par les constructeurs, elle assure que ses objectifs restent néanmoins inchangés.
✍La puissance retrouvée du lobby automobile
Avec cette victoire importante, le lobby automobile a démontré qu’il est de « retour dans la conversation » de l’industrie, après des années de disgrâce après le scandale de tricherie du « Dieselgate » en 2015.
Beaucoup d’acteurs du secteur redoutent d’ailleurs que cette modification de la réglementation ne débouche sur une remise en question de l’objectif final fixé par Bruxelles : l’interdiction des ventes de voitures thermiques neuves en 2035. « Certains espèrent qu’il s’agit d’un premier coup de boutoir contre la transition vers l’électrique qu’ils veulent mettre par terre », indiquait récemment à La Tribune Bernard Jullien, économiste spécialisé dans l’automobile.
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Reste que tous les constructeurs n’ont pas parlé d’une même voix sur ce sujet. Certains, dont les géants BMW et Stellantis, se sont ouvertement affichés réfractaires à toute modification du calendrier de la réglementation des normes CO2. Des divergences qui pourraient, à l’avenir, faire perdre du poids au lobby.
✍La réglementation européenne impacte le prix des voitures
Luca de Meo a en tout cas raison lorsqu’il dit que les règles européennes font gonfler le prix des voitures. En Europe, le prix moyen d’une voiture neuve a augmenté de 66 % entre 2001 et 2021, d’après une récente étude du think tank La Fabrique de l’industrie. Si les constructeurs ont leur part de responsabilité, en bardant leurs modèles de multiples options pour corser la note, la raison vient aussi de la multiplication des règles et normes sur le Vieux Continent.
L’étude critique ainsi « le millefeuille réglementaire » dont a accouché la Commission européenne. Louables sur le papier, les obligations, destinées à améliorer la sécurité des véhicules comme à réduire leurs émissions de CO2, contribuent à augmenter fortement leur masse, leur taille, et in fine leur prix.
📰 Notre décryptage. Quand la réglementation fait flamber les prix de l’automobile
Consciente de la crise que traverse son secteur automobile, la Commission européenne a dévoilé début mars sa stratégie pour aider la filière. Objectif : doper les ventes de voitures électriques. Reste à voir si cela sera suffisant pour relancer le moteur.
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Agathe Perrier