Il y aurait 16 millions de chauffe-eau électriques installés dans tout le pays. À l’instar des radiateurs électriques, cette particularité est un héritage de l’électricité abondante et bon marché assurée par le nucléaire tricolore. À tel point que la France est le pays du monde qui dispose du plus grand nombre de ballons d’eau chaude par habitant ! De quoi représenter chaque année des dizaines de milliers de tonnes de ballons à changer. Mais alors même qu’ils contiennent des gaz fluorés qui contribuent fortement au réchauffement climatique, à la destruction de la couche d’ozone et aux pics de pollution à l’ozone, aucune filière adaptée pour leur recyclage n’existait jusque-là.
Une première mondiale
« Plus de 80 % de ces équipements étaient broyés à l’air libre pour en extraire et en valoriser le métal libérant ainsi les gaz fluorés nocifs pour l’environnement », explique Philippe Chemineau, le directeur des opérations d’Ecosystem. Cet éco-organisme, en charge du recyclage des déchets électriques et électroniques, des piles et des lampes travaille donc 2017 depuis sur la création d’un outil industriel capable de neutraliser ces gaz.
Après une première tentative infructueuse en 2019 sur une ligne de recyclage de réfrigérateurs de Derichebourg en Gironde, un nouvel appel à projets par Ecosystem a été lancé en 2022 pour solliciter les industriels du secteur. « Le calcaire des ballons d’eau chaude bloquait les méthodes classiques de broyage, il a donc fallu développer un nouveau procédé d’extraction du calcaire puis de broyage sous confinement. C’est une première mondiale », poursuit Philippe Chemineau.
10 millions de tonnes de CO2
Au total, 60 millions d’euros sont mobilisés par Ecosystem et trois gros acteurs de la filière – Derichebourg, Decons et CoolRec – pour créer six unités de recyclage dédiées aux ballons d’eau chaude. « Les gaz fluorés y sont aspirés, liquéfiés à -160 °C, mis sous pressions puis incinérés dans des centres dédiés de régénération énergétique où sont également détruits les peintures et solvants chimiques », détaille le responsable d’Ecosystem.
La première ligne a été inaugurée ce mardi 6 mai au Vigeant, dans la Vienne, sur un site de l’entreprise Decons qui sera capable de traiter 15 000 tonnes par an, soit plus de 250 000 ballons d’eau chaude. Cinq autres suivront d’ici 2026 à Lesquin (Nord), Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne), Cheminot (Moselle), Saint-Pierre-de-Chandireu (Rhône) et Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique) pour mailler complètement le territoire.
Le coût de la dépollution des gaz fluorés sera couvert par Ecosystem grâce à l’éco-contribution perçue sur l’achat des équipements neufs qui oscille entre 20 et 45 euros par ballon. Cela représentera chaque année plus de 50 millions d’euros. Malgré l’interdiction progressive de ces gaz fluorés depuis les années 1990, l’éco-organisme estime qu’il y existe en France un gisement de ballons représentants 20 ans d’activité de dépollution pour cette nouvelle filière. De quoi éviter l’émission de plus de 10 millions de tonnes équivalent CO2 d’ici 2050.