« La patrie a besoin de vous ». Après une allocution d’une quinzaine de minutes, empreinte de gravité, d’Emmanuel Macron mercredi lors du 20 heures de France 2, les Vingt-Sept pays de l’UE et Volodymyr Zelensky se retrouvent ce jeudi pour un sommet extraordinaire sur l’Ukraine.
Parmi les priorités de cette réunion convoquée par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen : la question du renforcement de la défense européenne face à la menace d’un désengagement américain.
« L’Europe fait face à un danger clair et immédiat, d’une ampleur qu’aucun d’entre nous n’a connue dans sa vie d’adulte », a affirmé la présidente de la Commission européenne dans une lettre adressée aux dirigeants des Vingt-Sept.
Réarmement de l’Europe
Le futur chancelier allemand, Friedrich Merz, a de son côté estimé que le Vieux Continent devait se préparer « au pire scénario » d’une OTAN dépourvue de la garantie de sécurité américaine.
Selon Emmanuel Macron, mercredi soir, « des financements communs massifs seront décidés pour acheter et produire sur le sol européen des munitions, des chars, des armes, des équipements parmi les plus innovants ». En outre, « les États membres pourront accroître leurs dépenses militaires sans que cela soit pris en compte dans leur déficit ». Une mesure réclamée notamment par Paris et Berlin.
Le président français a également dit vouloir « ouvrir le débat stratégique » sur la protection de l’Europe par le parapluie nucléaire français, tout en soulignant qu’en tout état de cause, la décision d’une éventuelle frappe « restera entre les mains du président » français.
Dans un contexte géopolitique totalement chamboulé par les prises de position du président américain, la Commission européenne a dévoilé un plan pour « réarmer l’Europe », visant à mobiliser quelque 800 milliards d’euros. Une « première étape » qui devrait recueillir l’accord de principe des Vingt-Sept jeudi, selon des diplomates à Bruxelles.
À ce stade, quelque 30 milliards d’euros seront disponibles pour l’Ukraine en 2025, et plusieurs pays de l’UE ne voient pas la nécessité, dans l’immédiat, d’augmenter ce montant. Cette position ne fait toutefois pas l’unanimité parmi les Vingt-Sept : le dirigeant hongrois nationaliste Viktor Orban, reçu à dîner mercredi soir par Emmanuel Macron et soutien de Donald Trump et de Vladimir Poutine, a ainsi menacé de bloquer le sommet de ce jeudi. La Slovaquie est sur la même position.
Suspension du partage des renseignements
Washington, qui s’est ouvertement rapproché du Kremlin depuis une conversation téléphonique entre Donald Trump et son homologue russe Vladimir Poutine le 12 février, a gelé lundi son aide militaire à l’Ukraine.
Ce gel, qui, selon les experts, compromet à terme la capacité de Kiev à se défendre face à l’agression russe, concerne aussi le partage de renseignements, a fait savoir mercredi le chef de la CIA, John Ratcliffe. Un élément pourtant essentiel aux soldats ukrainiens sur le champ de bataille. « Nous suspendons et passons en revue tous les aspects » des relations avec l’Ukraine, a déclaré le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Mike Waltz.
Gestes d’apaisement
L’Ukraine, qui a multiplié les gestes d’apaisement, après l’épisode du Bureau ovale de vendredi, où Donald Trump avait menacé de « laisser tomber » l’Ukraine, a indiqué mercredi travailler à de nouveaux pourparlers avec les États-Unis. Le chef de la présidence ukrainienne, Andriï Iermak, a ainsi indiqué avoir discuté au téléphone mercredi avec Mike Waltz.
Les deux hommes ont convenu que leurs équipes se rencontreraient dans un avenir proche, selon Kiev. Le chef de l’État ukrainien demande de solides garanties de sécurité à ses alliés occidentaux dans le cadre de potentiels pourparlers afin de s’assurer que l’armée russe n’envahisse pas à nouveau son pays après une hypothétique cessation des hostilités.
Nicolas Dufourcq (BPI France) : « la dette ne doit pas servir à financer le Doliprane de ma mère »
Le directeur général de Bpifrance Nicolas Dufourcq a considéré mercredi qu’on ne peut avoir à la fois un État-providence généreux et réarmer le pays, estimant qu’il faudrait mettre dans la défense l’argent des ‘jeunes’ retraités. « La France a décidé de consacrer beaucoup plus d’argent que les autres pays européens à la période de loisir des retraités, de 62 à 75 ans ». (…) Et ça, on ne peut plus se le payer. Cet argent, il va falloir le mettre dans la défense », a-t-il affirmé. Il a observé que les dépenses sociales sont passées « grosso modo depuis le début des années 60, de moins de 10% de la richesse nationale à 33-34% du PIB », tandis que les dépenses de défense sont passées dans le même temps de 9% à 2%, même si les plans quinquennaux « réarment la France » depuis 2014. « On ne devrait plus accepter de prendre un euro de dette de plus pour financer des dépenses de prestations sociales pures », selon lui : « la dette, ça sert à financer les investissements, des canons ou des centrales nucléaires, pas le Doliprane de ma mère ».
(Avec AFP)
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