« Nous étions très inquiets avant de partir, mais nos craintes ne se sont pas confirmées. » À l’image d’Anna-Sophie Sobecki, directrice marketing et communication de la cave Bordeaux Families, qui a tenu un stand à Vinexpo America, les 7 et 8 mai, plusieurs exposants reviennent plutôt rassurés de leur séjour à Miami. Dans un contexte commercial tendu, ce salon était le premier depuis le lancement de la bataille tarifaire lancée par Donald Trump avec un relèvement des taxes actuellement gelées à 10 % pendant 90 jours. Loin des menaces de 200 % brandies initialement en mars.
« On s’attendait à ce que ce soit morose mais ce n’est pas le cas. Il y a une bonne fréquentation des acheteurs », témoigne également Etienne de Rességuier, responsable export de la zone Amérique pour la cave coopérative des Tutiac (Gironde) et ses 500 vignerons. Il précise malgré tout qu’il s’agit d’un « petit » salon : 280 exposants contre plus de 5.000 lors de Wine Paris. 5.700 prises de rendez-vous ont toutefois été enregistrées à Miami en deux jours.
« Toutes les personnes avec qui nous avions rendez-vous se sont présentées et elles ont des projets », souligne Anna-Sophie Sobecki, dont la structure réunit 300 exploitations girondines. « C’est suffisamment rare pour être souligné, un champenois a signé, sur place, une commande ferme avec un acheteur pour les Caraïbes », annonce de son côté Rodolphe Lameyse, directeur général de la société bordelaise Vinexposium, organisatrice de l’événement, pour qui le bilan est satisfaisant : « On sent que le ressort n’est pas cassé avec le marché américain », témoigne-t-il.
« Nous sommes sortis du marché de masse »
Du côté du vignoble bordelais, pas de signature ferme, mais des prises de contact pour préparer l’avenir. Car pour Tutiac qui n’exporte pas encore aux Etats-Unis, « si les importateurs, distributeurs et supermarchés sont dans une phase d’attente, viendra le temps du renouvellement des références. Il faut pouvoir se placer et faire en sorte qu’ils se souviennent de nous le moment venu », explique Etienne de Rességuier.
Il s’est ainsi présenté à Miami avec des produits différenciant : une gamme de vins faiblement alcoolisés à 6 degrés, un rosé pâle « conformément aux tendances actuelles », mais aussi une gamme de Bordeaux classique car « Bordeaux reste une très belle marque pour les acheteurs aux Etats-Unis. » Ceci étant dit, « en matière de tendance, nous sommes sortis du marché de masse pour aller vers un marché de spécialité », souligne Etienne de Rességuier. L’Organisation mondiale du vin vient en effet de le rappeler : la production et la consommation mondiale de vin sont au plus bas depuis plus de 60 ans.
Les Etats-Unis restent un marché stratégique
Consciente des mêmes enjeux, Maison Hébrard avait fait le déplacement avec des crémants, des vins effervescents, sous le nom Celene. « Ils attirent l’oeil », assure Tunde Thompson, responsable export aux Etats-Unis notamment pour Maison Hébrard. « Les américains produisent du rouge, donc ils cherchent autre chose. Il faut aussi savoir qu’aujourd’hui, 70 % du vin qui est consommé aux Etats-Unis y est produit », explique Etienne de Rességuier.
Pour autant, les producteurs et négociants bordelais lorgnent sur ce marché à gros potentiel. C’est le cas de Tutiac qui souhaite y entrer, tandis que Maison Hébrard, dont 15 % de l’export concerne les Etats-Unis, et Bordeaux Families, 20 %, entendent continuer à développer ce marché. « Les vins de Bordeaux souffrent. Dans cette période d’incertitude, nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Il faut trouver de nouveaux clients », insiste Tunde Thompson. Dans un contexte de hausse des taxes, Maison Hébrard mobilise également d’autres leviers, à commencer par la mise en place accélérée d’un stock déporté aux Etats-Unis.
Un pivot vers les Caraïbes et l’Amérique du Sud
De son côté, Vinexposium a amorcé un pivot de ce salon vers les Caraïbes et l’Amérique du Sud pour en faire un événement du continent. « Nous avions choisi de l’organiser pour la première fois à Miami, qui est un hub logistique et commercial stratégique, et non plus New-York mais les déclarations de Donald Trump nous ont fait accélérer ce pivot », explique Rodolphe Lameyse. A l’avenir, « ce salon ne sera plus Vinexpo America mais Vinexpo Americas. »
Rodolphe Lameyse retiendra également de cette édition 2025 le succès des conférences « pleines à craquer » sur l’économie de la filière : « Notre rôle est aussi de faire en sorte que la filière se réunisse pour élaborer des stratégies de sortie de crise. »