Autour du Bureau ovale ce 8 mai, le président des États-Unis, son vice-président et l’ambassadeur du Royaume-Uni à Washington se félicitent. 5 ans après le Brexit, 1 mois après l’annonce des droits de douane réciproques, les États-Unis et leurs lointains cousins britanniques sont parvenus à un début d’accord commercial, supprimant en partie certaines surtaxes. Il reste encore beaucoup de détails à inscrire sur le papier : quotas, produits concernés, exceptions, avant que le Congrès américain et la Chambre des Lords ne tranchent sur cet accord libre-échange, largement plébiscité par les Britanniques.
Une chose est néanmoins sûre : les États-Unis ont introduit une clause qui pourrait s’apparenter à de l’influence… voire à de l’ingérence. Une ligne du document évoque clairement la propriété des usines britanniques, garantissant que les produits exportés et inclus dans l’accord ne pourront être produits par une entreprise détenue par un acteur étranger à la Grande Bretagne. Une phrase qui vise, à n’en pas douter, la Chine. L’accord sera donc mis en œuvre si les Britanniques acceptent de « travailler pour répondre rapidement aux exigences américaines sur la sécurité des chaînes d’approvisionnement des produits en acier et en aluminium destinés à l’exportation vers les États-Unis et sur la nature de la propriété des installations de production concernées ». Étrange formulation, rapprochant Londres d’une forme de sous-traitance pour Washington, et à propos de laquelle le 10 Downing Street a tenu à préciser qu’elle n’octroie pas un veto américain aux investissements chinois sur le territoire britannique.
Une nationalisation contre un accord commercial
Cette condition sine qua non à la mise en œuvre de l’accord commercial a été introduite à la suite de « pressions » de l’administration de Donald Trump, rapporte The Guardian. Preuve de la sensibilité du sujet, pour célébrer l’annonce du traité de libre-échange entre les deux pays, le Secrétaire d’État au commerce britannique, Jonathan Reynolds, s’est rendu sur le site de Sheffield Forgemasters, spécialisé dans les pièces d’acier et nationalisé en 2021.
Le sentiment d’une immission des États-Unis dans l’économie britannique et dans les décisions du gouvernement Starmer a d’autant plus été accentué par une déclaration d’Howard Lutnick, le secrétaire américain au Commerce, qui s’est vanté jeudi que « le gouvernement britannique, dans le cadre de cet accord, a nationalisé British Steel. » En effet, il y a un mois, le secrétaire d’État britannique au commerce a pris le contrôle de British Steel, que l’ancien propriétaire chinois, Jingye, souhaitait liquider. Mais Reynolds a coupé court à la rumeur lancée par son homologue américain :
« Ce n’est pas vrai que l’action que nous avons prise concernant British Steel était liée à cet accord. C’était évidemment une décision prise dans l’intérêt national du Royaume-Uni. »
Cependant, il a confirmé que la décision avait eu un impact. « Nous avons reçu beaucoup de messages de collègues américains, je pense que cela a attiré leur attention, notamment quant à notre détermination à défendre l’intérêt national », a-t-il expliqué au quotidien régional Yorkshire Post.
Un accord aux effets encore flous
Pour le moment, Londres exporte peu d’acier et d’aluminium aux États-Unis. 800 millions de livres sterling pour les meilleures années, soit 950 millions d’euros. Mais désormais, alors que le monde entier est soumis à une barrière douanière de 25 % pour toute exportation de ces produits vers les États-Unis, le Royaume-Uni en est exempté et espère en profiter. Cet espoir pourrait vite être douché par la volonté de Washington devrait protéger sa propre industrie sidérurgique en pleine restructuration, en appliquant des quotas sur les importations britanniques, ces derniers ayant été évoqués par la Maison-Blanche.
Pour autant, Keir Starmer a déjà salué un accord qui devrait « sauver des milliers d’emplois à travers le Royaume-Uni et stimuler les entreprises britanniques et protéger l’industrie ». Pour appuyer ses dires, il met en avant l’espoir d’une véritable « union pour l’acier et l’aluminium » entre les deux pays. Mais en l’absence de preuves concrètes d’une hausse future des exportations d’acier et d’aluminium, l’annonce de l’accord ne peut que retarder des licenciements inéluctables dans le secteur de la sidérurgie, particulièrement en difficulté face à un acier chinois bon marché, selon Chrysa Glystra, directrice de la politique commerciale et économique chez UK Steel. Et pour cause, « nous n’avons pas vraiment d’idée sur la date d’entrée en vigueur ni sur le calendrier de mise en œuvre », a-t-elle précisé.
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Julien Gouesmat