Rencontre au sommet. Le ministre de l’Économie, Éric Lombard, reçoit ce jeudi l’un des vice-Premiers ministres de Chine, He Lifeng, à l’occasion du 10e dialogue économique et financier de haut niveau franco-chinois. Surnommé le « tsar » de l’économie, He Lifeng s’occupe principalement des affaires économiques et financières de son pays.
À l’occasion de cette rencontre, dont la dernière édition s’était déroulée en 2023 à Pékin, les deux politiques vont échanger officiellement sur de multiples sujets comme « l’engagement de la France et de la Chine en matière de climat et de biodiversité » ou encore « le multilatéralisme et la gouvernance des institutions financières internationales ». Ils vont également aborder leur coopération dans plusieurs secteurs clés comme « l’aéronautique et l’aérospatiale, le nucléaire civil, l’agroalimentaire ou l’industrie verte », précise Bercy dans un communiqué.
Même génération que Xi Jinping
He Lifeng a déjà effectué une première visite mardi en Normandie, dans une ferme d’élevage bovin dans l’Eure. Une rencontre symbolique alors que la viande française est soumise à plusieurs restrictions à l’importation en Chine. Juste avant, il était au sommet sino-américain à Genève en Suisse où il a pu négocier avec le secrétaire américain au trésor Scott Bessent sur la guerre commerciale et l’escalade des taxes entre Pékin et Washington. Une réunion couronnée de succès puisque les deux géants ont convenu d’une pause de trois mois le temps de négocier.
« Pour négocier dernièrement avec les Européens, ou encore les Américains, c’est lui qui est envoyé », explique Emmanuel Véron, docteur en géographie, spécialiste de la Chine contemporaine. Le « tsar » de l’économie est à son poste depuis plus de deux ans et occupe également des rôles au sein des régulateurs financiers chinois comme le nouvel organisme de surveillance financière. Juste avant ça, il a dirigé de 2017 à 2023, la Commission nationale du développement et de la réforme (CNDR), chargée notamment de la planification économique chinoise.
Il a également rejoint le Bureau du Parti communiste chinois (PCC) en octobre 2022. Ce dernier, composé de 24 hauts fonctionnaires, supervise le Parti et le gouvernement central. « Comme le président chinois, il est membre du parti communiste depuis un bon moment, il fait partie du noyau dur des gens importants au sein du parti et qui occupent en plus des fonctions administratives », commente Emmanuel Véron.
Il serait aussi proche du président Xi Jinping, et aurait même assisté à sa cérémonie de mariage. Il a, en effet, occupé de nombreux postes dans la province de Fujian pendant 25 ans, celle-là même où Xi Jinping y a gravi les échelons du pouvoir. Il a ainsi dirigé le département des finances d’une ville nommé Xiamen, au moment où le président chinois était alors vice-maire. « C’est un homme de la même génération que Xi Jinping, ils ont tous les deux traversé les tournants maoïstes et post-maoïste », complète le spécialiste.
Le cognac au cœur des discussions
Outre les raisons officielles de la rencontre entre Lombard et He, les deux hommes devraient échanger sur la guerre commerciale. L’homme serait d’ailleurs un fervent défenseur de l’excédent commercial chinois, essentiel pour l’économie et les emplois du pays, argue Reuters.
Mais d’autres dossiers sont également au cœur de négociations. Selon Emmanuel Véron, He Lifeng devrait tenter de négocier sur le sujet délicat des petits colis chinois. Rien qu’en 2024, 800 millions de colis ont été livrés en France, commandés sur des plateformes chinoises tels que Shein et Temu. Des petits colis d’une somme souvent inférieure à 150 euros et qui ne sont donc pas taxés. Mais le gouvernement français compte instaurer une taxe d’ici 2026 sur chaque colis.
Par ailleurs, l’expert souligne un autre point de discorde : le cognac. Pékin compte appliquer début juillet des taxes d’environ 34 % sur le cognac et l’armagnac. Si Emmanuel Macron se montre optimiste sur une levée des taxes, les maisons de Cognac préparent déjà des plans de licenciements. Les négociations de jeudi s’annoncent donc vitales pour la filière.
Mais tout n’est pas perdu. Les dirigeants de l’Union européenne se retrouveront à Pékin en juillet à l’occasion du sommet Europe-Chine. Alors que cette année marque les 50 ans de la relation entre Bruxelles et Pékin, les deux puissances pourraient vouloir unir leur force et chercher mutuellement d’autres débouchés dans un contexte de guerre commerciale face aux États-Unis.
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