C’est une plaine céréalière surmontée de doux coteaux viticoles et mouchetée de petits bois. Dans ce qui pourrait être le centre géographique de la Nouvelle-Aquitaine, entre Angoulême et Bordeaux, l’agriculture n’est plus la seule à y trouver un terrain de prédilection. C’est désormais aussi le cas des énergies renouvelables. Les six premières éoliennes du sud de la Charente ont été inaugurées par EDF Renouvelables et les élus locaux ce 13 mai, sur la commune de Baignes.
Une certaine fierté émanait des représentants de la communauté de communes 4B lors de l’événement : le petit territoire de seulement 20 000 habitants va produire la consommation en électricité verte de près de 30 000 personnes. Et ce n’est qu’un début puisqu’un autre parc équivalent va suivre, toujours à proximité de la route Nationale 10. « On est un petit colibri qui fait sa part », illustre Véronique Gouffrant, vice-présidente de la collectivité, reprenant une célèbre métaphore.
Élus locaux et représentants d’EDF Renouvelables réunis pour le geste inaugural. (crédit : MG / La Tribune)
Séance de cinéma
Mais il aura fallu beaucoup de patience aux élus qui se sont succédé pour faire advenir leur projet de transition énergétique. De « l’abnégation » même, selon les mots du développeur EDF Renouvelables, à la manœuvre depuis 2012. C’est à ce moment-là que les premières études ont été lancées, après que la commune s’est dite favorable à l’implantation de mâts et pales blancs perchés à 180 mètres de haut. Sur le terrain, l’accueil va se révéler bien plus hostile.
En 2015, un premier projet de parc est présenté aux habitants. Il est déjà amputé de trois éoliennes en moins par rapport aux ambitions initiales. Mais c’est encore trop pour les détracteurs. « On avait organisé la présentation dans le cinéma de la commune et je me souviens que les gens n’étaient vraiment pas contents, se rappelle Gérard Deletoile, l’ancien maire promoteur du projet. Le problème, c’était que certaines éoliennes se voyaient depuis des communes alentours. »
Autorisation du tribunal
Un riverain se plaignait auprès du journal Sud Ouest en 2018 : « C’est une gigantesque escroquerie, une spoliation industrielle ! Toutes les maisons autour vont perdre de la valeur sans aucune compensation alors que le promoteur EDF-EN va faire des bénéfices colossaux. » Une remontrance en phase avec les questions d’acceptabilité locale des parcs éoliens ou solaires, sur lesquelles les développeurs sont parfois timides.
Dans le secteur, quatorze communes s’étaient positionnées pour la construction du parc, douze contre. Et surtout ni le commissaire enquêteur, ni les services de l’État n’ont délivré de feu vert pour un parc de huit mâts suite à l’enquête publique. Le développeur a été contraint d’en passer par les tribunaux pour faire valider son projet. Avec des avis favorables prononcés d’abord par le tribunal administratif en 2018, puis par la cour administrative d’appel et même le Conseil d’état en 2022, l’entreprise finit par obtenir la précieuse autorisation environnementale pour une installation de six éoliennes.
Les turbines, fabriquées par l’industriel Vestas, sont installées à environ 80 mètres du sol. Le bout des pâles culmine à 180 mètres. (crédit MG / La Tribune)
« Une demi-génération de débats »
Les travaux ont ensuite duré un an avant un raccordement d’une puissance de 25 mégawatts (MW) début 2025. Depuis 2009 et la première fois que les élus ont exprimé leur envie d’éolien, quatre maires se seront passé la main à la tête de la commune. « Certains projets que nous lançons ne vont pas à leur terme. Si on ne respecte pas les enjeux d’acceptabilité ou environnementaux, on peut décider d’abandonner un parc. Ici, l’abnégation paye. Le projet inauguré est différent du projet initié, preuve que nous nous sommes adaptés », retrace pour La Tribune Pierre Couturier, responsable régional d’EDF Renouvelables.
« Au total, ça fait douze ans de travail, vous avez été tenaces », adresse l’actuel maire de Baignes, Michel Dubojski, qui parle d’un « atout pour l’économie locale ». Il faut en moyenne entre sept et neuf ans pour mener à terme un projet de parc éolien en France, selon France Renouvelables et Capgemini. « Douze ans, soit une demi-génération de débats, ce n’est pas supportable », relève quant à lui Guillaume Riou, vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, constatant une « méconnaissance socio-économique de ce qu’apportent les énergies renouvelables ».