« Grande désillusion », « mépris total », « non-écoute inacceptable », les syndicats de Michelin ne mâchent pas leurs mots à l’issue de la négociation sur le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) des usines de Vannes et Cholet. Négociation qui vient de s’achever au terme de six réunions « intenses », pour ne pas dire tendues.
Les représentants du personnel estiment que les ultimes heures de discussions, qui se sont tenues avec la direction mardi et mercredi, au siège du groupe à Clermont-Ferrand, ont apporté de « maigres avancées » pour les près de 1.300 salariés concernés par ces fermetures. Le géant du pneumatique avait annoncé début novembre l’arrêt de ses deux sites, invoquant une dégradation de la compétitivité en Europe et la concurrence asiatique.
Ce jeudi, le manufacturier est revenu sur les dispositifs qu’il comptait mettre en place, avec notamment 40.000 euros bruts d’indemnités de mobilité, couplées à des indemnités d’aménagement pour les salariés de Vannes et de Cholet qui choisiront de rester dans le groupe.
« Environ 12% du personnel a fait acte de candidature pour cette mobilité interne, soit 150 personnes. C’est une bonne nouvelle, nous pensions que ce serait moins. Pour 45 personnes, les postes sont même déjà concrétisés », indique Alain Robbe, directeur des relations sociales France du groupe Michelin.
Indemnités en cas de départ
Environ 15% des salariés seraient, quant à eux, concernés par le dispositif de fin de carrière. Mais ce qui a particulièrement cristallisé les discussions au cours de cette négociation, c’est bien sur les indemnités supra-légales en cas de départ.
« Nous avons consenti à une augmentation très significative de 34% par rapport à notre offre initiale. Au-delà d’une indemnité supra-légale forfaitaire de 40.000 euros bruts, les salariés auront des majorations en fonction de l’âge et de leur ancienneté. Cela correspond aux meilleures pratiques existantes dans le cadre d’un PSE », souligne Alain Robbe de Michelin.
Et l’entreprise de donner, en exemple, un salarié de 47 ans avec 20 ans d’ancienneté, pour lequel l’indemnité de départ s’élèvera à 95.620 euros, dont plus de 78.000 euros de supra-conventionnelle. Des montants qui sont loin de satisfaire l’intersyndicale (CFDT, CGT, CFE-CGC, FO et SUD) qui dénonce « un PSE à moindre coût ».
« Ces sommes sont inférieures à celles que vont percevoir les salariés qui partent dans le cadre de plans de départ volontaire mis en place sur d’autres sites. En clair, ces derniers touchent plus que ceux qui sont virés ! C’est inacceptable », s’agace Nicolas Robert, délégué syndical central Sud Michelin.
Michelin n’a notamment pas accédé à la demande de l’intersyndicale qui souhaitait 250 euros en plus par année d’ancienneté, mesure chiffrée entre 3 et 5 millions d’euros par les syndicats.
« Quand Michelin crame 500 millions d’euros de rachat d’actions en 2025… on estime qu’il peut mettre 5 millions pour essayer d’améliorer le sort de salariés dont la vie est bouleversée. La direction fait preuve d’un cynisme effrayant », se désole José Tarantini, délégué syndical central CFE-CGC Michelin.
D’autant, souligne l’intersyndicale, que les résultats financiers du groupe sont « excellents ». Michelin a, en effet, réalisé un bénéfice net de 1,89 milliard d’euros l’an dernier. Présentés mi-février, ses résultats sont certes en baisse, plombés notamment par une concurrence accrue et le ralentissement du marché automobile qui a eu un impact sur le taux de chargement des usines. Mais le résultat opérationnel des secteurs du champion français des pneumatiques demeure robuste à près de 3,4 milliards d’euros.
D’autres restructurations à venir ?
De son côté, la direction considère que le plan proposé « respecte pleinement ses engagements » mais indique ne pas être en mesure, aujourd’hui, de calculer l’enveloppe globale de ce PSE. A l’annonce des fermetures, le manufacturier avait précisé avoir provisionné une enveloppe de 330 millions d’euros, mais qui doit aussi servir à la redynamisation des sites. L‘intersyndicale en appelle désormais aux pouvoirs publics afin qu’ils mettent un terme « à ces pratiques trompeuses d’un capitalisme faussement équilibré ». Les syndicats ont jusqu’au 24 mars pour signer ou non le PSE. La CGT Michelin annonce, dès à présent, à La Tribune que ce sera sans elle.
« C’est un PSE au rabais, un plan anti-social qui fait suite à une parodie de négociations. Nous ne signerons pas », prévient Romain Baciak, délégué syndical central CGT.
Au-delà de Vannes et Cholet, les syndicats craignent désormais d’autres restructurations dans le groupe, alors que se multiplient ces derniers mois les mesures d’activités partielles sur différents sites français. Ils dénoncent le tournant stratégique du manufacturier, qui privilégie une production réduite de pneus.
« On le voit encore aujourd’hui avec l’annonce de Michelin de quitter le MotoGP. Nous serons remplacés par Pirelli. Or, cette activité concerne une trentaine de personnes sur le site des Gravanches à Clermont », s’inquiète Nicolas Robert de Sud.
Au final, pour les syndicats, le dialogue social chez Michelin ne sort pas indemne de cette négociation. « La confiance est rompue », conclut José Tarantini de la CFE-CGC.