Alors que le Parlement européen s’attèle en ce début avril à retarder l’application de la directive CSRD, poussé par une volonté de simplification, des entreprises, conscientes des enjeux économiques qui y sont liés, continuent leur travail de conformité. Un paradoxe ? Peut-être simplement une décision pragmatique.
En effet, dès ce 1er avril un premier texte portant sur le calendrier législatif de la directive Omnibus, une liste de propositions visant à simplifier les exigences de durabilité des entreprises, s’est retrouvé sur la table du Parlement européen. Malgré de premiers désaccords entre les partis constituant la majorité d’Ursula von der Leyen à la Commission, l’activation de la procédure d’urgence permettant une révision de nombreux textes du Pacte Vert européen a été votée à une large majorité, notamment grâce aux voix des partis eurosceptiques. La proposition « stop-the-clock » qui vise à retarder la mise en place des directives CSRD et CSDDD a quant à elle été votée ce 3 avril.
Cependant, en parallèle, de nombreuses entreprises continuent leurs projets de conformité. Si bien que leur position interroge.
Certes, les projets de conformité demandent un travail certain, notamment aux ETI qui n’étaient pas soumises à la NFRD, ancêtre européen de la CSRD. Ils demandent une approche rigoureuse pour identifier les sujets les plus importants, collecter et centraliser ses données ESG, notamment sur la partie dédiée à la mesure de l’empreinte carbone, afin de pouvoir bâtir par la suite des plans d’actions et de transition ambitieux. Ils nécessitent également souvent la mise en place d’outils pour centraliser ces données, piloter la trajectoire de transition et engager toutes les parties prenantes.
Pourquoi alors cet intérêt maintenu à la CSRD ? Peut-être par leurs convictions en matière de durabilité (environnement et social). Peut-être aussi, voire notamment, par leur volonté de rester compétitives et de répondre aux attentes de leurs parties prenantes (banquiers, investisseurs, donneurs d’ordre, talents…). Car la CSRD n’est pas une idée soudainement sortie du chapeau de technocrates européens. Son objectif premier était d’harmoniser les nombreux formats de reporting auxquels sont soumis depuis des années les entreprises, notamment de la part de leurs investisseurs, et d’anticiper au mieux les défis sociaux et environnementaux auxquels elles pourraient être confrontées sur leur marché. Bref, les aider à construire une vision à long terme pour accroître leur résilience et leur compétitivité.
N’oublions pas que – alors que l’UE rétropédale – la Chine a introduit en décembre dernier les premières normes de son nouveau modèle de reporting de durabilité, la CSDS (China Sustainability Disclosure Standards), une initiative inspirée fortement du modèle européen, notamment de la CSRD. Pendant que l’Europe hésite, Pékin prépare ses entreprises à affronter les défis climatiques et sociétaux, renforçant ainsi leur résilience et leur accès aux capitaux internationaux. Les implications de ces décisions iront bien au-delà des frontières chinoises.
Les entreprises qui se mettent en conformité aujourd’hui encore ont simplement compris que la CSRD – qu’elle s’applique en janvier prochain ou quelques années plus tard – reste avant tout un moyen d’améliorer l’accès aux capitaux et de renforcer sa compétitivité. Des bénéfices dont aucune entreprise ne peut se passer.
(*) Solène Garcin-Charcosset est Directrice Conseil ESG / Carbone chez Tennaxia, où elle accompagne principalement de grandes entreprises françaises dans la définition et la mise en œuvre de leur stratégie RSE. Elle œuvre pour que ces stratégies soient pleinement intégrées à la stratégie globale de l’entreprise, opérationnelles et alignées avec les attentes des parties prenantes ainsi que les enjeux de développement durable propres à chaque secteur.
Spécialiste des enjeux ESG et du reporting extra-financier, elle aide ses clients à structurer leur gouvernance des données RSE, à répondre aux exigences réglementaires (comme la DPEF ou la CSRD) et à valoriser leurs engagements en matière de durabilité. Elle assure notamment la rédaction de Déclarations de Performance Extra-Financière et participe activement à la réflexion stratégique autour des nouvelles obligations de reporting durable.
Solène Garcin Charcosset