Frais de scolarité, clauses abusives… Les écoles d’ostéopathie dans le viseur de la répression des fraudes

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Frais de scolarité, clauses abusives… Les écoles d’ostéopathie dans le viseur de la répression des fraudes





















En France, l’ostéopathie figure parmi les “pratiques de soins non conventionnelles”, au même titre que l’homéopathie, l’hypnose ou le tai-chi.
Frédéric Pétry / Hans Lucas

Paramédical

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Entre frais de scolarité exorbitants et non-respect des enseignements, la majorité des écoles d’ostéopathie sont très légères sur la réglementation. Au détriment des étudiants qu’elles accueillent. Et bien entendu de leurs futurs patients.

Une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dévoile que 86 % des écoles d’ostéopathie présentaient des anomalies en 2021. Entre autres : un défaut d’information sur le prix de la scolarité et la présence de clauses abusives dans les contrats. D’autres se prévalent d’un rang à un classement des écoles d’ostéopathie sans critères objectifs et qui n’existe pas. De quoi jeter le trouble sur le sérieux de ces formations auprès des étudiants. Et auprès de leurs patients dans un pays où cette pratique manuelle, qui par des mouvements sur les muscles et le squelette soulage de tensions corporelles, est extrêmement populaire : on y recense le plus grand nombre d’ostéopathes par habitant au monde, 42 ostéopathes pour 100 000 habitants, contre 34 aux États-Unis et 8 au Royaume-Uni. Selon un sondage Odoxa de 2024, plus de 80 % des Français ont confiance en cette pratique souvent critiquée.

En France, l’ostéopathie est réglementée par l’État depuis une vingtaine d’années mais les ostéopathes ne sont pas considérés comme des professionnels de santé : Il s’agit d’une profession paramédicale. Selon Stéphane Niel, directeur de l’école d’ostéopathie de Nantes et président de la Fédération nationale de l’enseignement supérieur en ostéopathie (FNSEO), il y a un besoin de régulation accru : « Il y a toujours trop d’écoles et toutes ne respectent pas les conditions de l’agrément accordé par le ministre de la Santé de l’époque : ces écoles fonctionnent sans que personne ne s’en préoccupe ».

Un danger pour les nourrissons ?

« La formation en ostéopathie et son cadre réglementaire ont évolué ces vingt dernières années, mais d’autres améliorations restent nécessaires », renchérit Philippe Sterlingot, président du Syndicat français des ostéopathes. Il explique que « petit à petit, des agréments ont été délivrés à certaines écoles jusqu’à 2007 mais avec peu de critères stricts ». À partir de 2016, Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, demande à ce que soient revus les dispositifs d’agrément, pour mieux contrôler les écoles qui fleurissaient de façon anarchique en France.

Avec cette réforme, le contrôle se renforce sur certains actes délicats, potentiellement dangereux ou conflictuels : notamment ceux sur les touchers gynécologiques (réservés aux gynécologues) et ceux sur les nourrissons (nécessitant un certificat médical préalable). Pourtant, des séances d’ostéopathies continuent d’être menées, encore aujourd’hui, sur des nouveau-nés. Sur les réseaux sociaux, des ostéopathes avoisinant les 300 000 followers en font la promotion. L’Inspection générale des affaires sociales soulevait encore en 2023 la nécessité d’un « registre des accidents graves consécutifs à ces pratiques ».

Réguler pour mieux régner

« Absence de fondement scientifique avéré » : ce sont les mots de l’Académie de médecine en 2024 pour alerter à nouveau au sujet de cette pratique de l’ostéopathie sur les nourrissons en France. Des médecins se font aussi parfois l’écho des conséquences de manipulations dangereuses: En 2022, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a condamné un ostéopathe à indemniser une de ses patientes après une mauvaise manipulation : cette dernière a commencé à souffrir d’une névralgie cervico-brachiale, une douleur qui part de la nuque et irradie dans le bras, après une séance menée par le praticien.

D’où l’inquiétude des professionnels ostéopathes qui souhaiteraient faire le ménage dans la profession par le biais des écoles. Ces dernières sont déjà passées de 75 à 31 agréées en 2016. L’État a bel et bien tenté de réguler l’inflation de ces ouvertures, mais cela reste insuffisant : les professionnels peinent toujours à faire le tri entre le bon grain et l’ivraie parmi les institutions restantes. « Les écoles savent exactement comment remplir le dossier que nous examinons et nous ne pouvons pas aller voir sur place si leurs pratiques remplissent ou pas le cahier des charges. Par conséquent, certaines écoles ont reçu un agrément que notre commission ne leur aurait jamais accordé. », estime Philippe Niel.

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Pour le directeur, cette mauvaise gestion se répercute sur le niveau des étudiants : « J’ai accueilli dans mon école des élèves en cours d’étude qui n’avaient pas le niveau requis pour exercer, ce n’est pas normal. ». Jeanne, étudiante au centre international d’ostéopathie de Saint-Etienne approuve, ajoutant qu’un mauvais enseignement peut nuire à « leur crédibilité, la qualité des soins et que sécurité des patients est en jeu ». Gaston, un camarade de classe, nuance ces propos. Il estime que ce savoir n’est pas complètement scientifique : « L’ostéopathie étant basée sur une tradition orale bien ancrée dans les mœurs et transmises initialement de bouche à oreille, il y a encore des professeurs qui enseignent une ostéopathie traditionnelle tandis que d’autres apportent un contenu plus au jour des données de la science. »

Déceler le vrai du faux

Il y a les « vraies et les fausses » écoles d’ostéopathie, ajoute Philippe Sterlingot, qui souhaiterait un contrôle de l’État plus clair : « La commission d’agrément des ostéopathes trie les dossiers, mais deux problèmes résistent : la méthode d’évaluation de la commission n’est pas fiable et ce n’est pas elle qui a le fin mot, c’est l’État qui prend peu en compte nos avertissements ».

Le ministre de la santé Olivier Véran, a par exemple décidé en 2021 de renouveler l’agrément à toutes les écoles alors que la commission en avait écarté neuf. Pour Stéphane Niel, « les écoles ont dû faire pression auprès du ministère : en juillet 2021, ces neuf écoles étaient non agréées. Pourtant, en septembre, elles ouvraient leurs portes à de nouveaux étudiants. »

Ces décisions politiques sont prises en contradiction avec les besoins du pays. Les écoles ne cessent de former des ostéopathes : plus de 2 300 élèves devraient être diplômés par an à partir de 2026. Avec ce trop-plein, 50 % des jeunes ostéopathes gagnent moins du SMIC après cinq ans d’études.

Le flou entre les écoles préoccupe les étudiants, poursuit Jeanne, de l’école de Saint-Etienne. « À la sortie d’école, on galère à s’installer, et pourtant on est dans une école agrée et vérifiée par bureau VERITAS -une entreprise indépendante de certification-. Pour les autres, je ne sais pas trop comment ils trouvent du travail. ». Il y a selon elle, « un climat d’anxiété concernant l’installation. On sait que c’est difficile de pleinement gagner sa vie, surtout les premières années. » Gaston renchérit : « Quand on sait que l’on paye presque 10 000 euros l’année, sans compter les frais annexes (blouses, matériel, stages d’été non rémunérées), l’incertitude est pesante ».


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