La mixité dans les instances dirigeantes s’est légèrement améliorée en 2024 passant de 26 à 28 % en l’espace d’un an, alors que la loi Rixain impose d’atteindre les 30 % pour 2026. Dans le numérique, cette tendance est-elle à l’œuvre ? Les femmes qui travaillent dans ce secteur ne représentaient encore en 2023 que 24% des effectifs, un chiffre jusqu’ici constant, alors que le nombre de postes augmente significativement. Bien que la proportion de cadres parmi les femmes dans le numérique soit supérieure à la moyenne, elle reste inférieure à celle des hommes, avec seulement 62 % des femmes occupant des postes de cadre, contre 70 % pour les hommes.
Le numérique en santé, secteur en plein essor (avec plus de 60 % d’augmentation de son chiffre d’affaires entre 2021 et 2025) n’échappe pas à la règle : les femmes y sont encore minoritaires. Or, d’un point de vue économique, selon la Commission Européenne, si les femmes occupaient autant d’emplois que les hommes dans le numérique, il s’ensuivrait un gain d’environ 9 milliards d’euros par an pour le PIB européen. Quant à la France, la parité dans le numérique générerait 10% de PIB supplémentaire d’ici à 2025 selon une étude de McKinsey.
Créer les conditions pour attirer plus de femmes dans les métiers techniques et renforcer la confiance des femmes à porter haut leurs expertises, voilà l’ambition qui scelle la coopération historique entre l’Agence du Numérique en Santé (ANS) et le Collectif Femmes de Santé.
«Les actions de Femmes de Santé contribuent à une prise de conscience des biais qu’il faut lever pour progresser vers la parité. Par ailleurs, le Collectif met en lumière des personnalités inspirantes, moteurs de confiance et de motivation des femmes »,
souligne Annie Prévot, directrice de l’ANS. Et de préciser :
« L’attraction des femmes vers les métiers du numérique en santé passe par une démarche volontariste, pierre angulaire de la stratégie Marque Employeur de l’Agence du Numérique en Santé. Nous progressons régulièrement, les femmes représentent, à ce jour, 44,87% des effectifs de l’Agence, soit près de 4 points de plus en 2024.A cet effet, nous travaillons sur plusieurs dimensions structurantes de notre organisation. Tout d’abord, nous avons développé un écosystème de travail ouvert, stimulant, respectueux des équilibres professionnels et personnels. La flexibilité du mode de travail avec trois jours hebdomadaires de télétravail, le droit à la déconnexion… créent les conditions d’une qualité de vie et s’avèrent être des facteurs positifs pour l’engagement et la fidélisation des équipes. Certes, cette organisation du travail profite à tous mais les femmes y sont particulièrement sensibles. En créant un environnement de confiance où la prise en compte de l’humain dans toutes ses dimensions est considérée, où l’autonomie est encouragée, on donne une chance à toutes et à tous. C’est une des promesses de l’Agence. ».
Pour autant le choix des femmes pour les filières du numérique se décide tôt dans leur parcours d’éducation. Dès lors que se posent les choix d’orientation à la fin du collège. D’après le dernier baromètre Gender Scan paru en février 2024, plus d’une étudiante sur trois dans le secteur des technologies et du numérique a été découragée de faire ce choix, avec un écart femmes/hommes significatif. Une étude conjointe d’Ipsos et Epitech montre que 37% des lycéennes envisagent de s’orienter vers une école d’informatique ou une école d’ingénieur, contre 66% des garçons. Pourtant, 56% des lycéennes sont intéressées par l’informatique et le numérique. Or, aujourd’hui, 7% seulement des adolescentes déclarent avoir envie de s’orienter vers le numérique. Ce déficit d’attrait des talents féminins pour les filières scientifiques dès le plus jeune âge puis pour les métiers du numérique et de la santé est également constaté par Annie Prévot :
«Tout est ouvert, il n’y a aucun tabou en termes de parcours et d’évolution à l’Agence du Numérique en Santé. Les postes techniques sont proposés à tous et toutes, les changements de métiers sont accompagnés, les évolutions encouragées. Par ailleurs, nous allons dans les écoles présenter nos métiers aux jeunes.De toute évidence, il faut encore amplifier nos efforts. »
Pour cela, l’ANS se mobilise depuis deux ans dans la promotion des métiers du numérique auprès des lycéens et des étudiants issus des zones d’éducation prioritaire dans le cadre de « Rencontres de l’Excellence ». Au cours de ces échanges, force est de constater que les jeunes femmes restent encore très largement minoritaires dans les filières numériques, notamment dans les formations en cybersécurité.
Fort de cet engagement en faveur d’une attraction des talents féminins, l’ANS s’inscrit dans une démarche plus globale pour recruter et fidéliser :
« Les femmes n’osent pas se porter candidates à des postes de direction, valorisent moins leurs qualités. La plupart du temps, elles ne s’autorisent pas à postuler si elles ne répondent pas à tous les prérequis d’une description de poste » remarque Annie Prévot.
Pour Isabelle Adenot, présidente de l’ANS :
« Quand on propose aux femmes de prendre un poste à responsabilité, la première question qu’elles se posent souvent est : en suis-je capable ? Par cette éventuelle auto-censure, elles produisent elles-mêmes leur propre exclusion. »
Annie Prévot conclut à cet effet :
«Concrètement, quand se pose le renouvellement d’un membre du comité de direction de l’Agence, majoritairement masculin, le processus de recrutement est naturellement orienté vers la recherche de talentsféminins pour atteindre à terme la parité. Les postes de secrétaire général et de directeur des ressources humaines ont fait l’objet de deux recrutements de femmes en 2024. De même, l’ancienne directrice des « Territoires et l’Expérience Clients » de l’ANS a été remplacée par une femme.Il y a quelques jours, une femme est devenue directrice de domaine au sein de la « Direction des Opérations », secteur majoritairement masculin. A présent, l’ANS compte 5 directrices de domaines sur 12. Nous avons également pour ambition de recruter plus de femmes dans le domaine de la cybersécurité. »
Annie Prévot relève également :
« Nous devons travailler sur plusieurs leviers : formaliser nos offres d’emploi de façon à encourager les femmes à postuler (séparation des compétences centrales des compétences annexes), leur proposer un environnement de travail attractif et valoriser nos métiers auprès des jeunes talents, notamment féminins, pour les encourager à s’orienter vers le numérique. »
Autre point d’attention, l’égalité salariale. Pour Annie Prévot :
« C’est un principe qui guide tous nos recrutements : à compétences égales et pour un même poste, rémunération égale. »
Dans cette transformation, les stéréotypes de comportement hérités du passé sont battus en brèche.
«En créant des conditions de travail qui permettent souplesse et flexibilité, le temps de présence au bureau n’est plus, ni un prérequis, ni un critère d’évaluation de la performance, cela pour les femmes comme pour les hommes. »
Attentive à la capacité des managers à intégrer ces évolutions et à avoir des comportements ouverts et inclusifs, Annie Prévot souligne :
« Nos pratiques et nos comportements doivent traduire nos valeurs. Un exemple : j’apprécie que les entretiens de recrutement des managers se fassent en binôme (homme et femme). Ce croisement de regards permet d’identifier les biais des candidats et de partager nos perceptions. »
De son côté, Femmes de Santé rappelle un des constats issus de ses travaux (Etats Généraux de 2021 et 2024) : les femmes de santé sont d’abord perçues par le prisme de leur genre et non d’emblée comme des expertes, leur travail est moins reconnu que celui des hommes et leur place à des rôles de responsabilités, encore mineure. Cependant, le Collectif note que progressivement de nouveaux paradigmes se dessinent dans un secteur en plein essor comme la santé des femmes qui pourrait encore s’amplifier car dans deux ans, les entreprises auront l’obligation de mettre en place des actions pour la santé de leurs collaboratrices (Plan pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027).
En levant les biais de genre (c’est un fait, la santé des femmes a longtemps été définie en référence à la santé des hommes), les expertes apportent désormais des solutions numériques aux besoins de santé féminins longtemps ignorés, en prévention et dans les parcours de soins (maladies cardiovasculaires, endométriose, grossesse, ménopause…). Une dynamique qui tarde à se mettre en place dans le secteur de l’Intelligence Artificielle (IA) tant la progression des femmes dans ce secteur (5 à 10 % sur les cinq dernières années pour atteindre 29% du secteur de l’IA et de la data en 2023) reste modeste. Selon le Laboratoire de l’égalité :
«L’intelligence artificielle est une révolution… Son incidence est en particulier cruciale sur l’égalité entre les femmes et les hommes à travers la reproduction et la diffusion de biais sexistes. »
Pour Maud Nivet, déléguée générale de Femmes de Santé :
« L’égalité entre les hommes et les femmes est essentielle pour une société équilibrée et prospère. L’amélioration de la mixité et l’importance d’attirer plus de femmes dans les métiers du numérique et de la santé sont des enjeux cruciaux. Je crois que la communication sur ces sujets joue un rôle essentiel dans la réduction des biais genrés et l’encouragement des carrières techniques dans le numérique. Plus nous en parlerons, plus nous montrerons des parcours inspirants d’expertes, de développement de solutions numériques en santé de la femme, moins il y aura de freins à se diriger vers ce secteur pour les femmes. C’est ce que fait le Collectif Femmes de Santé, mettre en lumière les Expertes en Santé, du numérique en autre, pour favoriser l’attractivité et améliorer l’égalité. »
Pour Isabelle Adenot, cependant, il faut élargir le débat :
«Favoriser le respect et l’inclusion de toutes les différences, pas seulement celles liées au genre, c’est une richesse. J’observe notamment une grande variété de profils et d’origine dans les équipes de l’ANS. Cette diversité est une force ! »
Pour Annie Prévot :
« La confiance est la question centrale. En renforçant la confiance que nous plaçons dans les femmes, nous développerons la confiance des femmes en elles-mêmes. C’est par ce double mouvement que nous progresserons collectivement. ».
Le numérique en santé a besoin des femmes.
(*) Le Collectif Femmes de Santé
– Maud NIVET, Déléguée générale
Le CODIR de l’ANS
– Isabelle ADENOT, Présidente de l’ANS
– Annie PREVOT, Directrice générale de l’ANS
– Aliénor COURVALIN, Secrétaire générale
– Isabelle BONNELIE, Directrice des territoires et de l’expérience clients
– Hervé GARREAU, Directeur de système de d’information
– Jean-François BAUMANN, Directeur du pilotage et de l’efficience
– Jean-Baptiste LAPEYRIE, Directeur de l’expertise, de l’innovation et de l’international
– Laurent JOUBERT, Directeur des opérations
– Jérôme BARON, Conseiller auprès de la direction générale
– Hervé ZECLER, Agent comptable
– David PETAUTON, Directeur de la communication
Collectif (*)