Le petit noir, deuxième boisson la plus consommée au monde, fait grise mine. En un an, le cours de l’arabica a grimpé de 75%, celui du robusta de 84%. En cause, des mauvaises conditions climatiques dans les principaux pays producteurs de café, le Brésil, la Colombie et le Vietnam, qui impactent les récoltes, l’exode rural qui assèche le vivier de main-d’œuvre et une demande mondiale qui ne cesse de croître, portée notamment par la classe moyenne chinoise. Cette flambée des prix place le marché sous tension et fait ses premières victimes, à l’image du torréfacteur havrais Les Cafés Legal dont la liquidation judiciaire a été prononcée en décembre 2024 après 170 ans d’activité. Quelque 105 emplois étaient concernés.
Le café se prémiumise
Dans ce contexte « compliqué », la filière des cafés de spécialité entend tirer son épingle du jeu, profitant d’une évolution des modes de consommation vers toujours plus de qualité, de traçabilité et de durabilité. « Comme le vin et plus récemment le thé, le café se prémiumise. Les notions de goût, de variété des terroirs se développent et s’opposent au café de commodité dont la production industrielle tend à la standardisation des saveurs », explique Loïc Marion, président du Collectif Café, principale fédération du café de spécialité en France, réunissant près de 200 torréfacteurs artisanaux et 400 points de vente. Lequel voit dans cette crise qui a tout de structurelle deux grandes opportunités pour cette filière : « D’abord, une rémunération plus juste des producteurs leur permettant d’investir dans la modernisation des exploitations et la transition vers des pratiques agricoles plus durables ». Et surtout, « la différence de prix entre un café conventionnel et un café de spécialité qui se réduit et devient plus acceptable. »
Montée en puissance
Si ces cafés notés +80 (sur 100) par la Specialty Coffee Association ne représentent que 5% du marché français, soit environ 15 000 tonnes sur les 300 000 tonnes consommées chaque année, ils progressent de 15% par an depuis 2020. Leur montée en puissance est corrélée à celle des coffee shop, apparus en France à l’aube des années 2010 avec l’arrivée du géant américain Starbucks. Depuis, ces lieux d’expérience et de dégustation, à 85% indépendants, pullulent dans les centres-villes des métropoles et des villes moyennes au point qu’il s’en ouvrirait un chaque semaine. « On en compte plus de 3 500, ce qui fait de la France le troisième marché européen avec un chiffre d’affaires d’environ 321 millions d’euros », reprend le torréfacteur pour qui le potentiel de progression apparaît « énorme » dans ce pays à la « forte culture du goût ». « Nous avons doublé notre activité en 10 ans, nous avons la capacité de la tripler dans les prochaines années pour occuper 15% des parts de marché », affirme-t-il.
Un label dédié
Pour ce faire, la fédération s’attelle à un travail de pédagogie et de définition du procédé artisanal du café de spécialité pour éviter que l’appellation soit utilisée à tort et à travers, induisant le consommateur en erreur. « Les étiquettes sont trompeuses. Nous avons encore besoin d’expliquer qui nous sommes, ce que nous faisons et comment nous le faisons », constate Loïc Marion, qui appelle à la création d’un label dédié. « Les professionnels de la restauration ont également un rôle à jouer. Ils ont bien une carte des vins, pourquoi pas une carte des cafés, en fonction des terroirs et des variétés ». L’idée étant de démocratiser toujours plus le produit pour qu’il intègre davantage les rayons de la grande distribution qui truste 90% des ventes. Et ce, dans un contexte de forte progression du segment café à grain, dont le volume des ventes a explosé de 379% en une décennie, selon le panel Nielson IQ. S’il ne prend pas encore le pas sur le café en dosette ou le café filtre, il s’invite de plus en plus à domicile grâce à la baisse des prix des machines à broyer. Autrement dit, les signes se multiplient, les planètes s’alignent. « A nous de redonner un peu de noblesse au café ».