LA TRIBUNE – Nous allons consommer davantage de métaux au cours de cette génération que depuis 60 000 ans, selon un chercheur de l’université de Grenoble. Il y a donc urgence à apprendre comment les recycler ?
Cédric TASSEL – Oui, concevoir des matériaux, on sait faire et il y en a encore beaucoup à développer. Mais il faut apprendre à décomposer la matière d’une façon durable et pérenne, sans utiliser des acides toxiques ou dangereux pour la nature, afin de la recycler. Je pense à deux façons de traiter les matériaux : soit en les déconstruisant, soit en arrivant à les réutiliser directement pour d’autres applications.
On parle de beaucoup d’applications qui utilisent des matériaux inorganiques : des LED pour la lumière, des matériaux de construction, des batteries… Tout ce qui contient des minerais d’une certaine rareté. Il est important de récupérer ces éléments pour créer les conditions d’une économie circulaire et souveraine. Parvenir à une circularité est l’objectif. On dépend certes de la Chine mais aussi de beaucoup d’autres pays.
N’avons-nous pas déjà les compétences pour le faire ?
Il y a des techniques qui permettent de recycler les matériaux, comme la pyrométallurgie et l’hydrométallurgie. Ces techniques sont apparues sans que les matériaux aient été pensés pour être recyclés. Notre chaire vise à penser les matériaux pour qu’ils aient des performances mais aussi pour qu’ils soient plus faciles à recycler.
Les premiers travaux vont porter sur la création de nouveaux matériaux pour les batteries. Aujourd’hui, les batteries de type NMC [Nickel, manganèse, cobalt] se recyclent mais ce n’est pas facile. Nos travaux visent à améliorer le cycle de vie des batteries et cela implique d’éco-concevoir les matériaux qui les constituent. Nous souhaitons que les concepts portés par cette chaire s’étendent aux autres domaines, pour les panneaux photovoltaïques, pour les aimants des éoliennes ou les semi-conducteurs. Nous aimerions aussi recycler des matériaux qui font partie des PFAS [polluants éternels] soit pour leur donner une seconde vie, soit pour récupérer le fluor et créer de nouveaux composés plus durables.
La France et l’Europe sont en retard sur la bataille industrielle. Sont-elles mieux placées sur la recherche dans ce domaine ?
Oui, c’est quelque chose qui m’a marqué en arrivant à l’Institut de Chimie de la Matière Condensée de Bordeaux (ICMCB). On a vraiment ici à Bordeaux et en France une prise de conscience autour de l’importance des sujets de développement durable et de recyclage. Notre institut est à la pointe de ce pan de la recherche, il est un des fleurons en Europe et même dans le monde. C’est l’une des thématiques du futur qui permettra d’avoir une transition énergétique et environnementale tout en étant capable de garder notre indépendance.