C’est sa septième collaboration avec la troupe de la Comédie-Française. Du Mariage de Gogol en 2010 à L’Avare de Molière en 2022 en passant par La Tête des autres d’Aymé, La Maison de Bernarda Alba de García Lorca, Après la pluie de Belbel et La Puce à l’oreille de Feydeau, Lilo Baur a abordé tous les genres, dirigeant avec esprit, sensibilité, et malice une troupe galvanisée par son originalité. Le choix de La Souricière constitue une certaine surprise… Attention, Agatha Christie n’entre pas au répertoire de la Comédie-Française (il faudrait que la pièce soit jouée salle Richelieu), mais la « reine du crime » (1890-1976) va être servie par la plus célèbre troupe de France.
Comment s’est fait ce choix ? « Lorsque Éric Ruf m’a sollicitée pour monter une pièce au Vieux-Colombier, j’en ai lu et relu de nombreuses, ce que je fais toujours, avant de me déterminer, raconte Lilo Baur. J’ai demandé des conseils à des amis anglais et j’en avais retenu trois. Et puis un jour, alors que j’étais à la gare de Marseille où je venais de rater un train, le Français m’a appelée : il fallait que je choisisse… J’ai proposé La Souricière ! »
Agatha Christiemade inla Comédie Française
Une œuvre très célèbre que The Mousetrap. Créée en 1952 à Londres, elle n’a jamais quitté l’affiche et a parfois été jouée en France. Un succès qui tient à son intrigue, mais pas seulement. Lilo Baur a travaillé à une nouvelle traduction avec Serge Bagdassarian : « Nous avons pris la mesure de la qualité du style. Agatha Christie n’est pas simplement une formidable autrice de romans policiers. Elle écrit avec une grande finesse. Chaque mot compte dans ses dialogues et nous avons essayé d’être le plus précis possible. » Dans La Souricière, Serge Bagdassarian interprète le très policé major Metcalf. À la retraite, mais l’esprit en éveil.
Le titre renvoie à la situation. On est en un temps où n’existent ni ordinateur ni téléphone portable. Dans le manoir de Monkswell, Mollie (Claire de La Rüe du Can), héritière du lieu, et Giles Ralston (Jordan Rezgui), son mari, attendent les premiers pensionnaires de l’auberge qu’ils ont créée. Une terrible tempête de neige se déchaîne. À la radio, on annonce qu’un meurtre a eu lieu à Londres et que le suspect s’est échappé…
Je tente de m’inspirer d’atmosphères ou de manières cinématographiques. À commencer par Hitchcock.
Arrivent peu à peu les protagonistes, dont l’inspecteur Trotter, censé enquêter sur le crime ; c’est Jean Chevalier. Voici également Clotilde de Bayser en Mme Boyle, une ancienne magistrate qui juge sévèrement la manière dont est dirigée la pension ; Christian Gonon est M. Paravicini, un voyageur aimable mais qui aime entourer de flou son identité ; Anna Cervinka, Mlle Casewell, étrange personnalité, assez solitaire ; Sefa Yeboah joue Christopher Wren, le premier arrivé, extravagant et un peu immature.
« La scénographie est importante pour donner le sentiment de l’enfermement, mais aussi pour que l’on sente, à l’extérieur, la nature hostile, explique la metteuse en scène. Bruno de Lavenère a imaginé un décor chaleureux de bois sombre ouvert sur une grande fenêtre d’où l’on voit monter le niveau de la neige. C’est la souricière, ce piège. » Le premier devoir de la mise en scène, ici, est d’entretenir la peur.
« Je tente de m’inspirer d’atmosphères ou de manières cinématographiques, précise Lilo Baur. À commencer par Hitchcock. Pendant la représentation, nous prenons grand soin des bruits, de tout ce qui fait sursauter ces personnes enfermées et anxieuses. Mich Ochowiak signe musique et son et multiplie les occasions de trembler. Quant à la chanson enfantine qui revient sans cesse, Three Blind Mice, “trois souris aveugles”, nous ne l’avons pas traduite. Elle date de 1609, une comptine universelle. »
Un come-back Parisien
On va s’amuser, on n’en doute pas. Lilo Baur, fine et délicate silhouette, princesse des plateaux, demandée de New York au Japon, de Taïwan à Athènes, a conservé ces vertus de l’enfance qui font qu’elle s’intéresse à tout et s’émerveille. Comédienne, elle a longtemps travaillé avec le Théâtre de Complicité de Simon McBurney. Elle avait reçu des prix pour son interprétation bouleversante de The Three Lives of Lucie Cabrol.
Il y a quelques mois, elle a été honorée du grand prix suisse des arts de la scène/Anneau Hans Reinhart 2024, une grande distinction en son pays natal. Un ouvrage paraît à cette occasion. Si elle est très sollicitée dans le monde, c’est à Paris qu’elle se consacrera dès l’été, pour la rentrée. « Un grand théâtre privé m’a demandé de monter une pièce… » Mais chut ! Celle qui a dirigé Laetitia Casta et Roschdy Zem à l’Atelier dans Une journée particulière n’en dira pas plus.
ℹ️ Au Vieux-Colombier, du 4 juin au 13 juillet. À 19 heures le mardi, à 20 h 30 du mercredi au samedi, à 15 heures le dimanche.
📞 Tél. : 01 44 58 15 15.
Du bon son éco-responsable
J-5 avant le début des festivités. À partir de vendredi prochain,
le festival We Love Green investit le bois de Vincennes pour trois jours de concerts non-stop. Au menu de cette nouvelle édition, une programmation éclectique à la fois grand public et pointue avec ses têtes d’affiche (Clara Luciani, Tiakola, LCD Soundsystem, Air…) et de belles promesses entre rap (SDM, Vald, Favé…), pop anglo-saxonne (Charli XCX, Parcels), chanson hexagonale (Miki, Claude), électro (Paul Kalkbrenner, Gesaffelstein…), world jazz (Ezra Collective…), sans oublier une poignée d’humoristes (Swann Perissé, Mahaut Drama, Mulov).
Soit plus de 60 artistes invités à se produire sur les cinq scènes aux noms souvent bucoliques (La Prairie, La Clairière, La Canopée, Lalaland, Think Tank) du festival réputé pour ses engagements en matière d’écoresponsabilité. À We Love Green, on carbure toujours à l’énergie verte et aux circuits courts, l’alimentation est 100 % végane et les toilettes résolument sèches… Entre deux concerts, les festivaliers pourront également assister à des conférences sur la biodiversité, l’évasion fiscale et la taxation des superprofits ou encore la randonnée à vélo.
Au bois de Vincennes du 6 au 8 juin.
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