Rima Hassan
Étalage de vertu
Publié le
L’activiste écologiste suédoise Greta Thunberg et l’eurodéputée insoumise franco-palestinienne Rima Hassan ont embarqué depuis le 1er juin avec la « Flottille pour la liberté », direction Gaza, avec pour objectif de percer le blocus israélien… Mais l’exercice a surtout tourné à la démonstration de vertu et à la parodie d’humanitaire.
« La flottille pour la liberté » : rien qu’au nom, on sent l’arrogance du vaisseau qui se veut amiral. Le mouvement international de solidarité avec les Palestiniens a un nouvel équipage de mousses qui se parent de verrues humanitaires. En son sein : Greta Thunberg, un temps porte-étendard de l’écologie reconvertie en porte-keffieh, Rima Hassan, égérie de la lutte pro-palestinienne en France et au Parlement européen, mais aussi l’acteur irlandais Liam Cunningham, aperçu dans « Game of Thrones », et une petite dizaine d’autres influents, voir influenceurs.
L’objectif affiché : créer un pont humanitaire vers l’enclave palestinienne acculée par l’armée israélienne, et prouver que le blocus humanitaire peut être franchi par voie maritime. Dans les soutes du voilier (écologie oblige) : aide médicale, nourriture et fournitures pour les enfants.
Course aux likes
La manœuvre est risquée. Sur ce point, difficile de donner tort aux expéditionnaires : en 2010, le Mavi-Marmara, bateau turc qui transportait des vivres et tentait de briser le blocus déjà en cours dans la bande de Gaza, avait subi une attaque d’un commando israélien qui avait coûté la vie à neuf militants turcs. Un acte qui avait poussé le Premier ministre Benyamin Netanyahou à s’excuser publiquement. Depuis, le blocus à Gaza continue, et s’est même intensifié plusieurs semaines avec un embargo total sur l’aide humanitaire, créant une situation de famine, apothéose de la répression israélienne post-7 octobre 2023, qui a déjà coûté la vie à plusieurs dizaines de milliers de Palestiniens.
À LIRE AUSSI : Gaza : pourquoi l’aide humanitaire est bloquée par Israël et quelles en sont les conséquences ?
Mais l’exercice maritime prend tout de même l’apparence d’un équipage de sauveurs occidentaux qui cherchent le statut de bienfaiteurs, voire de martyrs du bien. Depuis leur départ d’Italie, la troupe a multiplié les tweets ou les stories Instagram pour montrer à quel point ils risquent leur vie, Rima Hassan en tête, sur X : « Je n’ai pas peur de la mort et encore moins d’Israël. S’ils veulent me tuer qu’ils le fassent, je partirai en ayant fait ma part. »
La militante franco-palestinienne tweete d’ailleurs chaque fois qu’un drone passe non loin du bateau, en appelant les internautes à la plus grande vigilance et à partager leur combat sur les réseaux sociaux, ou à suivre leur trajet sur les sites de navigation, pour envoyer de l’aide le plus vite possible en cas de besoin. L’acteur irlandais Liam Cunningham abonde : « Ma conscience m’interdit d’être inactif face à l’occupation, qui me rend malade… Je n’ai pas peur qu’ils me tuent. »
À LIRE AUSSI : Greta Thunberg et Rima Hassan à bord d’un voilier pour apporter de l’aide humanitaire à Gaza
Dans le monde anglo-saxon, ces agissements ont un nom : le virtue signalling, terme qu’on peut grossièrement traduire par « étalage de vertu », à savoir le fait de se décrire publiquement comme étant du camp du bien. Comme poster fièrement une photo de soi en train de faire un « voyage humanitaire ». D’autant que la quantité de vivres de la « flottille » relève du symbolique, rien à voir avec les 10 000 tonnes acheminées par le navire turc en 2010.
Le vrai gain de cette expédition est évidemment communicationnel, la mise en scène personnelle de chacun est l’objectif. Sur l’embarcation, évidemment, un journaliste du média Blast pour documenter quotidiennement l’aventure, qui l’est déjà par les nombreuses publications de Rima Hassan sur Instagram. Au programme : couchers de soleils, moment guitare, instant lecture à la proue du bateau en feignant de ne pas apercevoir la personne qui filme l’instant en tournant autour de l’eurodéputée. Et, évidemment, photos conjointes des deux stars du bateau, l’une avec son traditionnel keffieh, l’autre avec un t-shirt pastèque, symbole de la Palestine. Ce qui compte, ce n’est pas la destination, c’est la bonne conscience qu’on se fait en chemin.
Nos abonnés aiment
Plus de Monde
Votre abonnement nous engage
En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.
Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne