L’improbable défaite 5-4 subie par l’équipe de France jeudi face à l’Espagne, en demi-finale de la Ligue des nations, a rappelé à quel point le chantier de la défense reste ouvert à un an de la Coupe du monde. Encore plus quand les cadres habituels manquent à l’appel.
“Évidemment, quand ça tombe contre l’Espagne, ce n’est pas l’idéal. Mais ça laissera du temps de jeu aux autres…” Mercredi, en conférence de presse, Didier Deschamps n’avait pas voulu s’attarder sur la cascade d’absents à laquelle il était confronté en défense à l’heure d’attaquer le Final Four de la Ligue des nations. Pas de William Saliba, pas de Jules Koundé, pas de Dayot Upamecano, tous à l’infirmerie. Sans la plupart de ses cadres habituels, l’arrière-garde tricolore s’attendait à passer un sacré test face à ce qui se fait sans doute de mieux aujourd’hui en Europe.
Résultat : une claque 5-4 atténuée par le show Rayan Cherki, une animation défensive larguée, des défaillances individuelles criantes, et l’impression, une fois passées un premier quart d’heure convaincant, de pouvoir prendre l’eau sur chaque transition ou éclair adverse. Bien sûr, ces Bleus ont des circonstances atténuantes. En grande souffrance dans son couloir droit, le Turinois Pierre Kalulu, plutôt habitué à évoluer dans l’axe d’une défense à cinq en club, disputait à 25 ans ses premières minutes sous le maillot bleu. À gauche, Theo Hernandez n’a pas l’excuse de l’inexpérience, mais il ne tombera pas tous les jours sur un client comme Lamine Yamal, et ses difficultés dans le un-contre-un ne sont pas nouvelles.
La fragilité inquiétante de Konaté
La plus grosse déception est assurément venue d’Ibrahima Konaté. Associé à Clément Lenglet, qui a vécu un retour douloureux quatre ans après sa dernière cape, le roc de Liverpool aurait dû être le taulier derrière. Mais Mikel Oyarzabal, Nico Williams et Yamal lui ont fait vivre un calvaire à Stuttgart. Tout sauf rassurant alors qu’il avait déjà pris le bouillon lors de la défaite 2-0 en Croatie mi-mars, au point d’être remplacé dès la pause et de vivre en remplaçant le quart de finale retour remporté au Stade de France. Déjà relégué sur le banc lors du dernier Euro, Konaté donne l’impression chez les Bleus d’être le fantôme de celui qui s’est imposé à 26 ans comme une valeur sûre de la Premier League, le pendant parfait de Virgil van Dijk chez les Reds.
Loin du niveau qui est le sien en club, “Ibou” semble accuser un temps de retard sur Dayot Upamecano et William Saliba. À l’image de sa prestation XXL face à la Croatie il y a deux mois, le Munichois s’est affirmé en patron de cette charnière. Un élément fiable dans les duels et l’intensité. Le Saliba des Bleus, lui, n’est pas tout à fait le Saliba d’Arsenal, mais son Euro réussi (il avait été retenu dans l’équipe type de la compétition avec Mike Maignan) lui a donné du crédit. S’il faut gagner en régularité, sa faculté à donner la bonne impulsion au jeu tricolore et sa science du placement sont précieuses. Il est aussi difficile de se passer de Jules Koundé, longtemps réticent à évoluer à droite mais qui affiche depuis des mois des certitudes réelles, au point d’être devenu incontournable à ce poste.
Un manque de profondeur qui pose question
Problème, les doublures crédibles au Barcelonais (Jonathan Clauss ? Malo Gusto ? Benjamin Pavard ?) n’ont pas encore apporté suffisamment de garanties. La question du vivier se pose aussi dans l’axe où l’émergence d’un Wesley Fofana, au profil apprécié par Deschamps, est sans cesse freinée par des pépins physiques à répétition. Retenu cette fois-ci en raison des nombreuses absences, le Sévillan Loïc Badé peut-il avoir un coup à jouer à l’avenir ? Le chantier est également ouvert à gauche. Depuis quelques rassemblements, le poste se partage entre Theo Hernandez et Lucas Digne, mais aucun favori ne s’est pour l’heure dégagé à un an de la Coupe du monde.
Quant à Mike Maignan, sa saison pour le moins délicate à l’AC Milan a fait naître des doutes qu’il lui faudra rapidement balayer, alors que certains aimeraient voir en action la relève incarnée par le Lillois Lucas Chevalier. Deschamps, lui, refusait de verser dans le catastrophisme jeudi soir, convaincu que son équipe aurait affiché un tout autre visage avec ses titulaires habituels. “Il fallait être au top partout et on n’avait pas toutes nos forces en défense. Mais ça permet aussi à d’autres joueurs d’être là et par rapport à ce qui nous attend, ce sont des choses intéressantes”, relativisait le sélectionneur. “Il y a des choses à corriger mais on a fait de bonnes choses.” Prochain duel attendu dès ce dimanche à 15h face à l’Allemagne (car oui, la Ligue des nations propose un match pour la troisième place).