La France s’inquiète des besoins énormes en investissements pour les industries et les ménages afin d’atteindre ces objectifs. Il est vrai que des capitaux, publics et privés, devront être mobilisés. Mais le débat doit évoluer : il ne s’agit plus de savoir combien cela coûte, mais ce que cela rapporte. Investir dans des solutions propres, renouvelables et efficientes est aujourd’hui l’un des meilleurs placements économiques qui soit, avec un retour de plus en plus court. Il est donc trompeur de parler d’un effort : s’attaquer aux problèmes des prix de l’énergie et de la compétitivité de nos entreprises, de la sécurité d’approvisionnement, et de la création d’emploi ressort de la vision et non du sacrifice ! Nos infrastructures obsolètes et polluantes nous coûtent une fortune, pas seulement en carbone, mais surtout en dépenses sonnantes et trébuchantes, par le gaspillage des ressources qu’elles occasionnent. N’avons-nous pas un besoin pressant de les moderniser pour les rendre plus efficientes et donc moins coûteuses à l’avenir ?
Il est vrai que la France a, grâce à l’énergie nucléaire, l’une des productions d’électricité les moins carbonées d’Europe – et pourrait être tentée de se sentir moins concernée. Ce serait une erreur. Car les objectifs climatiques ne visent pas uniquement à réduire les émissions : ils sont un levier de transformation industrielle, de résilience économique, et d’indépendance stratégique.
Les objectifs 2020 et 2030 ont prouvé qu’une ambition bien cadrée pouvait permettre de faire d’une pierre plusieurs coups, au-delà de la décarbonation de notre économie. La modernisation rendue nécessaire par les objectifs climatiques est aujourd’hui un outil de croissance et d’amélioration de notre sécurité d’approvisionnement – la décarbonation, elle, venant comme une conséquence logique de cette modernisation.
En se mettant des objectifs ambitieux, les États Membres poussent leurs industries et leurs ménages à investir dans un secteur d’avenir et à moderniser leurs systèmes de production ou leurs habitations. En proposant une continuité des objectifs 2020 et 2030 alignés aux objectifs de neutralité carbone à 2050, l’Etat envoie un signal clair aux marchés et aux ménages – investissez avec confiance, le futur de l’Europe sera propre et efficient !
C’est aussi un acte économique. Sans visibilité, aucune industrie ne se lancera dans de nouveaux marchés. L’Europe, et la France en tête, est aujourd’hui leader mondial dans les solutions d’efficience énergétique avec un marché européen estimé à 150 milliards d’euros et 1,2 millions d’emplois. Les chiffres montrent qu’un euro investi dans l’efficience rapporte 4 euros à la collectivité. Stimuler cette dynamique par des objectifs clairs, c’est créer de la demande pour nos propres industries, au service de nos territoires.
Mais pour transformer l’essai, il faudra un cadre d’accompagnement solide afin de soutenir ces investissements et assurer qu’ils permettent effectivement d’augmenter la compétitivité des entreprises, et le pouvoir d’achat des ménages. Il faudra aussi offrir au monde de la finance des opportunités de financement innovantes qui permettent l’accès par tous à ces solutions. De nouveaux business models devront être pensés afin d’assurer une croissance sur base de ce qui est propre et efficient et non sur base de ce qui pollue et gaspille.
Se fixer des objectifs clairs en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, de renouvelable et d’efficience énergétique, c’est faire le choix d’assurer à l’Europe un déploiement industriel dans les secteurs d’avenir, ancré dans la réalité des défis de notre siècle.
Bertrand Piccard