La République démocratique du Congo vient d’être élue membre non permanent du Conseil de sécurité pour la période 2026-2027, confirmant son repositionnement sur l’échiquier diplomatique international. Le pays avait, certes, occupé ce siège deux fois par le passé (1982-1983 et 1990-1991), exerçant même la présidence tournante de l’organe exécutif des Nations-Unies en 1991, au plus fort de la Guerre du Golfe en Irak.
Au-delà de l’événement du 3 juin à New-York, cette élection est le couronnement d’une longue démarche dont le front de bataille était la reconstruction de la confiance de la RDC auprès de ses partenaires dans le concert des nations. Kinshasa devait, en effet, se faire adouber, d’abord par les pays d’Afrique centrale qui ont porté sa candidature avant le sommet des 54 Ministres des affaires étrangères de l’Union africaine qui l’ont également fait porter à leurs chefs d’État.
Le retour de la RDC au Conseil de sécurité de l’ONU se comprend comme la reconnaissance envers un partenaire historique reconnu fiable, et qui a su bâtir cette réputation au sein des Nations-Unies où le positionnement dans le leadership aujourd’hui n’est plus une sinécure. C’est donc à juste titre que, samedi 31 mai 2025 lors d’une cérémonie en prévision de l’élection du 3 juin, Félix Tshisekedi parlait déjà lui d’un retour légitime sur la scène internationale, soulignant que le pays ne partait pas de zéro, mais revenait avec maturité et expérience. Il faudra mesurer tout cela à l’avenir.
Le pays parle d’un retour légitime, qui serait le fruit d’une diplomatie agissante mise en place par le Président lui-même en janvier 2019 avant d’être réélu en décembre 2023. Dans cette dynamique, Félix Tshisekedi a aligné une équipe de diplomates solides et expérimentés, à commencer par sa ministre des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, une polyglotte respectée sur les scènes multilatérales, ainsi que son ambassadeur itinérant, l’ancien chef de la diplomatie congolaise Antoine Ghonda, dont le carnet d’adresses et le sens stratégique viennent renforcer la présence congolaise dans les grandes discussions internationales.
Conséquence : si la diplomatie congolaise et la situation du pays en général se décrivent aujourd’hui comme une antonymie à l’isolationnisme d’hier, c’est que la RDC s’est hissée comme un vrai leader dans le concert des leaders mondiaux, là où les affaires de la RDC se traitent désormais avec la RDC dans une démarche plus participative qu’imposée.
Un acteur du Golfe n’est pas pour rien dans le soutien au pays et à sa stabilisation. C’est le Qatar qui poursuit son chemin tranquille de médiateur de conflits régionaux, au Moyen-Orient, comme en Afrique. Doha joue en effet un rôle croissant dans le conflit en République démocratique du Congo (RDC), en particulier dans les tensions entre Kinshasa et les groupes armés opérant dans l’est du pays, notamment le M23. Profitant de sa position neutre et de son expérience diplomatique dans les négociations internationales, le Qatar cherche à faciliter un dialogue entre les parties en conflit. Le Qatar a proposé ses bons offices pour relancer le processus de paix de Nairobi et de Luanda, jusque-là dans l’impasse. Il s’inscrit dans une stratégie plus large de diplomatie active sur le continent africain, visant à renforcer son image de facilitateur global. Doha mise aussi sur sa proximité avec les grandes puissances impliquées dans la région (États-Unis, France, Rwanda). En soutenant des projets de développement ou de reconstruction, le Qatar entend aussi asseoir une influence économique. Toutefois, son rôle reste encore périphérique et symbolique, face à la complexité régionale.
Convaincu encore de l’importance du multilatéralisme, de sa position géopolitique au cœur de l’Afrique et de son potentiel en ressources naturelles, particulièrement en minerais critiques, Félix Tshisekedi avait, dès sa réélection, engagé une démarche de bon voisinage. Par cette démarche, il proposait une coopération multiforme, embrassant aussi bien le sécuritaire que l’économique, le préventif, l’humanitaire, etc. ; le tout basé sur un dialogue franc et ouvert, parfois au prix des inquiétudes de ses compatriotes quant à un éventuel bradage des richesses du pays, le cas de l’actuel projet de coopération paix contre minerais avec les États-Unis.
(*) Docteur en sciences politiques, chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS (Bruxelles), associé au Cnam Paris (équipe Sécurité Défense), à l’Institut d’études de géopolitique appliquée (IÉGA Paris), au Nordic Center for Conflict Transformation (NCCT Stockholm) et à l’Observatoire géostratégique de Genève (Suisse).
Sébastien Boussois