Nous avons interrogé Sylvain Tesson sur ses repères culturels, les œuvres qui, à ses yeux, font office de « trousse de secours » face à l’agitation du monde, à la frénésie technologique et à l’érosion du sens dans le tumulte contemporain. À travers ses choix, une forme de résistance se dessine – une manière de demeurer, de rester debout, fidèle à ce qui élève plutôt qu’à ce qui consume.
Dans son dernier ouvrage, Les piliers de la mer (Gallimard), Sylvain Tesson – grimpeur infatigable, habité par le goût du risque et l’amour farouche de la liberté – gravit les parois comme on cherche l’absolu, porté par une soif insatiable de beauté et de vertige. Marianne est allé à sa rencontre afin qu’il nous livre les textes, les œuvres qui l’accompagnent et dans lesquels il trouve un refuge, une échappée.
Marianne : À notre époque d’abondance littéraire, comment percevez-vous la valeur de cette surproduction ? Lisez-vous plutôt les auteurs contemporains ou les classiques ?
Sylvain Tesson : Je lis surtout des classiques, des auteurs disparus. Seul le temps fait le tri, révélant ce qui résiste à l’épreuve, comme pour les ruines ou les formes géologiques. Distinguer la valeur dans la littérature contemporaine demande un instrument aussi fin qu’un compteur Geiger pour capter les faibles rayonnements du talent naissant – rôle que je ne me sens pas capable d’assumer. J’ai bien sûr des goûts personnels, souvent liés au hasard ou à des amitiés. Si je devais citer un nom reconnu, ce serait Pierre Michon. Mais j’ai une tendresse particulière pour Jean Rolin, qui allie gaieté, engagement, et un style à la fois classique et baroque. Mais je laisse le temps répondre. On se retrouve dans cent ans !