2021. Bureau exécutif du parti de La République en marche. Nous discutons du serpent de mer de la proportionnelle et de notre manière de gouverner en France. Je plaide pour changer d’esprit et valoriser la culture de coalition : travailler ensemble, tendre la main à des partis avec lesquels nous ne partageons pas tout mais avec lesquels nous nous retrouvons sur l’essentiel, au service des Français. Un élu me répond que c’est une belle idée mais que ça n’est pas cela, la Vème.
Et pourtant… Nous y sommes. Quatre ans après, une présidentielle et une dissolution sont passées par là. La dissolution prononcée le 9 juin dernier par le président de la République a été un choc pour le pays. Incomprise par les Français, elle n’a pas donné les résultats escomptés. Est-ce à dire qu’aucun enseignement n’est à en tirer ? Non.
Décliner une main tendue
Premier enseignement : s’ils sont de plus en plus nombreux à se laisser séduire par les discours de l’extrême-droite, les Français ne veulent pas la porter au pouvoir. Le front républicain s’est opéré naturellement. En responsabilité.
Deuxième enseignement : en ne donnant la majorité à aucune formation politique, les Français demandent aux forces républicaines et démocratiques de travailler ensemble. En responsabilité. Ce qu’a d’ailleurs immédiatement proposé le bloc central au lendemain des législatives.
2024 a ainsi révélé la maturité politique des Français et l’immaturité de trop nombreux politiques.
Troisième enseignement : une fois à l’Assemblée, les partis et les parlementaires refusent de tenir compte de la nouvelle réalité politique. Ils refusent d’essayer de travailler ensemble, chacun trouvant le meilleur argument pour décliner une main tendue. Obnubilés par 2027, enferrés dans des postures, ils offrent en spectacle leur irresponsabilité. 2024 a ainsi révélé la maturité politique des Français et l’immaturité de trop nombreux politiques.
Sens des responsabilités
Mais pourquoi le personnel politique français serait-il incapable de faire ce que pratiquent presque toutes les démocraties d’Europe ? Dans la majorité des pays d’Europe, les partis concourent aux élections, s’affrontent, avant se mettre autour de la table pour négocier leurs priorités. Ils signent un contrat de coalition ou forment des majorités de projets, au service du pays.
Au Parlement européen, nous, centristes, travaillons tous les jours avec la droite, les socialistes et les Verts européens. Sommes-nous d’accord sur tout ? Non. Est-ce que les portes claquent ? Oui, parfois. Mais nous négocions et nous savons nous retrouver sur l’essentiel : un agenda pro-européen au service de la compétitivité, des emplois, de la protection du climat, de la protection de nos démocraties ou encore du soutien à l’Ukraine.
La configuration politique nationale exige, plus que jamais, un sens des responsabilités et du courage. La responsabilité de créer les conditions de la réindustrialisation et du réarmement du pays, celle de résoudre l’équation budgétaire et sociale. Le courage de sortir des jeux d’appareil si éculés. L’humilité de reconnaître qu’aucun parti ne peut, seul, apporter une solution à tous nos problèmes.
Sortir des jeux d’appareil
Un an après la dissolution, à la veille de discussions budgétaires à haut risque, je le dis à mes collègues parlementaires nationaux membres de l’arc républicain : parlez-vous, bon sang ! Soyez responsables ! Dans l’intérêt du pays et même dans le vôtre.
Si l’on ne changera pas l’Assemblée nationale en l’état, changeons notre façon de fonctionner. Ne croyez-vous pas que les Français sauront récompenser ceux qui accepteront enfin de sortir des jeux d’appareil et qui auront contribué à la stabilité du pays ? Personnellement, je le crois. C’est le moment du sursaut. Saisissons-le pour changer enfin notre culture politique et faire murir la démocratie française. Au service des Français et de notre avenir.
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Valérie Hayer, présidente du groupe Renew Europe, secrétaire générale déléguée du parti Renaissance