Chaque année, entre 600 000 et 700 000 tonnes de déchets sont déversées en Méditerranée, ce qui en fait une des zones les plus polluées au monde. Environ 10 000 tonnes de ces éléments polluants proviennent de France, dont 80% transitent par les réseaux hydrauliques. Un fléau contre lequel lutte activement la commune de Mandelieu-la-Napoule depuis 2020. Située dans les Alpes-Maritimes, ce territoire côtier de 22 000 habitants l’hiver, de 90 000 l’été, veut devenir la première ville en Europe labellisée « 0 Waste to Ocean » en faisant barrage à tous les détritus du quotidien charriés jusqu’à ses plages et cours d’eau. Une gageure pour la collectivité, traversée par trois rivières et qui s’étend sur 2,5 km de littoral.
Couvrir toutes les zones à risques
Pierres angulaires de ce plan de protection du milieu maritime, les dispositifs de filtrage et de captage connectés, installés à l’entrée ou à la sortie des réseaux hydrauliques. Soit, au niveau des grilles d’avaloir, très souvent confondues avec des bouches d’égout, en amont, des exutoires d’eau pluvial et déversoirs d’orage en aval. « Une première série de 70 paniers filtrants et filets auto-intercepteurs a déjà permis d’intercepter plusieurs tonnes de déchets de toute nature, du plastique, des mégots, du métal, des déchets verts… », liste Sébastien Leroy, maire de la commune. L’idée est de porter ceux-ci à plus de 200 afin de couvrir toutes les zones à risques d’ici à cet été. Celles-ci sont plutôt situées dans les espaces denses comme les centres-villes ou d’activités commerciales fortes. « On se rend compte que plus on est proche du rivage, des zones naturelles ou résidentielles, plus les citoyens sont instinctivement respectueux de l’environnement, plus on s’en éloigne, moins c’est le cas. »
Conçus par l’entreprise azuréenne Pollustock, ces dispositifs bloquent les macro et micro déchets à partir d’un millimètre. « En-dessous, nous ne sommes pas encore capables de les arrêter. C’est tout l’objet de nos recherches, intercepter tous les polluants, y compris les invisibles. En attendant, en empêchant la diffusion de ces déchets, ce sont autant de futurs micro et nano déchets qui n’existeront pas », relève Stéphane Asikian, dirigeant fondateur en 2009 de l’entreprise. Qui, longtemps, a attendu son heure. « Pendant beaucoup trop d’années, les solutions imaginées se sont concentrées sur le nettoyage des déchets déjà en mer. Un sujet techniquement et financièrement inaccessible à l’homme aujourd’hui. C’est lorsqu’on a pris conscience que c’était sur terre qu’il fallait agir qu’une dynamique s’est amorcée, avec une montée en puissance très significative lors de la période Covid. Depuis, l’élan ne s’est pas essoufflé. »
Stéphane Asikian, dirigeant de l’entreprise Pollustock
« 0,1% du chemin parcouru »
L’entreprise emploie une dizaine de personnes pour un chiffre d’affaires de 1,5 million d’euros, dont 20% sont réalisés à l’international. En France, elle accompagne environ 120 collectivités et revendique l’installation opérationnelle de 800 filets et de 4.000 paniers. Depuis 2021 et le décret anti-GPI (Granulés de plastiques industriels), elle se renforce sur le marché industriel qui représente 40% de son activité. « La réglementation a ici clairement changé la donne en obligeant les industriels à prévenir le risque de perte de granulés dans le milieu naturel via les ouvrages hydrauliques, avance Stéphane Asikian. Nous plaidons pour élargir cette règlementation afin que tous les ouvrages hydrauliques soient équipés de systèmes d’interception. Il nous faut définitivement couper le robinet des déchets et vite. On parle quand même de 15 millions de tonnes à l’échelle planétaire. Or, nous considérons que nous n’avons fait que 0,1% du chemin ».
« On sait bien qu’on ne changera pas la Méditerranée, mais au moins on prend notre part », souligne le maire. Près de 500 000 euros ont été investis pour finaliser le dispositif, co-financés par le conseil départemental, Citéo et Algora Environnement. « Au total, c’est près d’un million d’euros qui a été investi » pour mettre en œuvre cette stratégie environnementale qui mélange équipements innovants, pédagogie (accompagnement d’associations), règlementation (plages et parcs sans tabac) et sanction (création d’une brigade dédiée au sein de sa police municipale).
