De la poudre blanche sur les cols-bleus. Selon une étude de iThylo publiée jeudi, la consommation de cocaïne sur le lieu de travail connaît une « explosion » depuis huit ans , avec « 13 fois plus de tests positifs en 2025 par rapport à 2017 ». De son côté, l’Observatoire des drogues et des tendances addictives dans l’édition 2025 de son rapport annuel de la consommation des drogues en France dénombre 1,1 million d’usagers de cocaïne dans l’année, contre 600 000 en 2023.
Mais, loin des clichés, cette hausse est aussi chez les travailleurs les plus modestes : malgré un coût qui reste élevé, la baisse du prix du gramme démocratise la cocaïne dans toutes les franges de la population, y compris la plus précaire. Et cette consommation ne s’arrête pas à la porte du domicile : elle vient de plus en plus s’inviter sur le lieu de travail.
C’est le cas de Jacob (le prénom a été changé), technicien dans une entreprise de climatisation. Il consomme de la cocaïne sur les chantiers depuis plus d’un an. « C’est pour me donner de l’énergie, ça m’aide à me focus. Et à soigner le contact client, je suis de meilleure humeur avec eux.» Le gramme de cocaïne atteint désormais 58 euros, contre 65 euros en moyenne ces dix dernières années, en raison du plus grand nombre de consommateurs et d’une augmentation de la production. Un prix élevé – le cannabis en comparaison coûte dix fois moins cher.
Mais pas de quoi effrayer Jacob, qui prend entre « 0,5 et 1 gramme par jour, donc pour à peu près 30 euros parce que j’en achète en grosse quantités ». Ce technicien de 24 ans est conscient des risques de licenciement que sa consommation induit. C’est pour cette raison qu’il se cache, en gardant toujours du sérum physiologique sur lui « pour éviter d’avoir le nez poudré devant les clients ! ». S’il lui arrive de temps à autres de prendre des traces de cocaïne chez lui, Jacob préfère réserver la poudre blanche à son lieu de travail « pour la productivité. Quand j’ai pas ce qu’il me faut, j’ai beaucoup de mal à bosser normalement, je suis perdu ».
Le fléau blanc de l’entreprise
Jean-Claude Delgens, auteur de Drogues et Addiction au travail : comment les prévenir ? (Fauve, 2024) constate cette augmentation de l’usage de la cocaïne « depuis le Covid ». Il attribue la hausse de la consommation de cette drogue à une plus forte disponibilité et à des circuits de distribution plus accessible pour le grand public « Il suffit d’en commander sur Internet ». La cocaïne profite aussi d’une notoriété plus forte que la 3-MMC, qui a peu ou prou les mêmes effets, et est plus inodore que l’alcool. Si la cocaïne a toujours été consommée aussi bien en milieu festif qu’en milieu professionnel, elle se démocratise hors de ses sphères habituelles, et s’impose dans le monde de l’entreprise, que Jean-Claude Delgens juge démuni face à ce fléau. « Les entreprises ne peuvent rien faire si elles suspectent quelqu’un de prendre de la cocaïne, elle ne peut pas imposer une prise de sans ou l’ouverture d’un casier ».
S’administrer de la cocaïne au travail, c’est prendre des risques non seulement pour sa santé, mais aussi pour son environnement professionnel. Le médecin du travail Christophe Rogier, souligne « l’épuisement physique et psychique dû au manque de sommeil, la prise de décision erronée, la moindre adaptation au travail d’équipe » du travailleur cocaïnomane. Sans compter sa probabilité « environ deux fois plus élevée » d’avoir un accident du travail comparé à s’il est sobre.
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Raphaël Melka