On aime tous la belle vie, la bonne bouffe, décorer joliment nos baraques, évoluer dans un univers douillet et apaisant. Mais depuis quelque temps, l’« art de vivre » a pris un tour étouffant. Gastronomie, décoration d’intérieur, vacances en famille, il n’est plus un recoin de l’existence qui échappe aux nouveaux maîtres du beau et à leurs diktats à la noix. Et nous, comme des ânes, on suit…
Il est loin le temps où le Elle Déco des mamans et les fiches cuisine du même magazine donnaient le la d’un art de vivre chaleureux et sans délire ostentatoire. Ceux qui s’intéressaient à la question y puisaient des recettes, des idées d’ambiance ou d’agencement. On restait encore maître de son logis et de sa vie. On s’inspirait, on ne suivait pas à la lettre un bréviaire autoritaire. Ce que l’on ressent en feuilletant certaines revues de décoration ou de voyage actuelles (Cabana, Monocle, House & Garden, Milk Magazine, AD…).
Le genre s’est enrichi de beaux gros livres de table basse, rédigés par des mondains, sur l’« art de recevoir » (« Recettes pour un porte-couteau », vraiment ?), ou consacrés à une gastronomie d’élite, à des « lieux » décrétés glam (Palm Springs, Rio de Janeiro, Mexico), ou encore à de jeunes privilégiés crânant dans leurs appartements de Londres, Berlin ou Buenos Aires. Sans parler des comptes Instagram somptueux des prêtresses du genre, officiant de préférence dans des Sud mythiques, en Scandinavie, à Minorque ou dans quelque divine campagne anglaise…