Plusieurs millions d’Américains ont célébré à leur manière l’anniversaire de Donald Trump, qui fêtait ses 79 ans samedi 14 juin. À l’invitation du collectif Indivisible regroupant 200 associations de défense des droits civiques, dont l’American Civil Liberties Union (ACLU), l’American Federation of Teachers Union (AFT) et la Communications Workers of America Union (CWA), les manifestants ont répondu au cri de ralliement « No Kings » (pas de rois), en signe de défiance face aux pulsions autoritaires du 47e président des États-Unis.
Deux mille rassemblements étaient annoncés à travers le pays, avec comme point d’orgue la cité de Philadelphie, en Pennsylvanie, première capitale de la république américaine en révolte contre la monarchie britannique. La déclaration d’indépendance (1776) et la Constitution (1787) y avaient été rédigées par les Pères fondateurs.
La capitale fédérale, Washington D.C., demeurait en revanche hors limites pour les contestataires, ses habitants étant conviés à rallier « Phillie », proche de 220 kilomètres, pour l’occasion. Donald Trump avait, lui, convié 200 000 sympathisants pour assister à un défilé militaire regroupant une centaine de véhicules blindés et 6 600 soldats en uniforme des différentes époques, et censés parader du cimetière national d’Arlington jusqu’à la Maison-Blanche.
Rareté dans l’histoire américaine, habituellement réservée aux fins de conflits victorieuses, ce genre de commémoration visait cette fois à célébrer le 250e anniversaire de l’armée de terre des États-Unis et les 79 ans du chef de l’État.
Nous allons festoyer en grande pompe samedi. Il y aura beaucoup de monde. Et s’il y a des manifestants qui se présentent, ils seront confrontés à une force très importante.
Après les débordements survenus à Los Angeles (Californie du Sud) en marge de raids de la police de l’immigration (ICE) contre des individus en situation irrégulière, Donald Trump avait prévenu, à l’encontre de ses opposants : « Nous allons festoyer en grande pompe samedi. Il y aura beaucoup de monde. Et s’il y a des manifestants qui se présentent, ils seront confrontés à une force très importante. »
Une fête en grande pompe, que Donald Trump refuse de voir gâchée
Pour fêter ses 79 ans, le président des États-Unis souhaitait un pays aussi apaisé que possible et, autant que faire se peut, une actualité internationale suffisamment calme pour lui offrir un écrin médiatique comme il en raffole. Les frappes israéliennes contre les sites nucléaires iraniens et les cadres militaires du régime l’ont privé de ce plaisir, en même temps qu’elles réduisaient à néant les espoirs d’un compromis nucléaire avec l’Iran, négocié entre émissaires de Washington et Téhéran.
La parade militaire a été endeuillée par le meurtre d’une élue démocrate du Minnesota, tuée à son domicile. Donald Trump a condamné dans un communiqué une attaque « terrible ». De New York à Los Angeles, les organisateurs des rassemblements « No Kings » avaient réitéré les consignes de prudence à l’égard des participants : s’asseoir à même le sol en cas de charge policière, ne surtout pas riposter.
« ”No Kings” est un jour de défiance, afin de rejeter l’autoritarisme et montrer au reste du monde à quoi la démocratie ressemble vraiment, précise le site dédié aux manifestations du 14 juin Nokings.org et barré de la mention “En Amérique, on ne fait pas dans les rois.” Nous allons surgir partout où il ne se trouve pas – pour dire non aux trônes, aux couronnes, aux rois. »
Je ne me sens pas du tout comme un roi. C’est un enfer complet pour faire approuver la moindre mesure.
« Je ne me sens pas du tout comme un roi, protestait Donald Trump jeudi devant un parterre de journalistes à la Maison-Blanche. C’est un enfer complet pour faire approuver la moindre mesure. » Doux euphémisme, pour un homme ouvertement attiré par une interprétation large des prérogatives présidentielles, et qui n’a de cesse depuis son investiture le 20 janvier dernier de chercher à les étendre.
L’armée, pour laquelle cet ancien réfractaire au service militaire durant la guerre du Vietnam ne cache pas son manque d’appétence, a été mobilisée pour des tâches auxquelles elle n’est pas destinée : la lutte contre l’immigration clandestine sur la frontière avec le Mexique, la sécurisation des bâtiments fédéraux et des artères de circulation, ainsi que la protection contre les « insurrectionnistes » dans le cœur de Los Angeles.
Pour ce faire, l’occupant du Bureau ovale ressuscite de vieilles lois en sommeil, assimilant les débordements à une « invasion étrangère » et laissant ses ministres concernés insinuer qu’ils n’obéiraient pas à des juges leur intimant de renvoyer la troupe en caserne.
Ces méthodes peu orthodoxes suscitent un malaise grandissant parmi les Américains. Le 11 juin, un sondage Quinnipiac révélait le glissement de l’opinion face aux coups de boutoir de Donald Trump contre l’État de droit. L’ancien promoteur immobilier recueille 38 % d’opinions favorables contre 54 % d’opinions défavorables.
Son projet de loi budgétaire baptisé « Big Beautiful Bill Act », en cours d’adoption au Congrès, ne récolte que 27 % d’approbation (53 % contre). Quant à la promesse électorale d’expulser le plus tôt 10 à 11 millions de migrants en situation irrégulière, à l’origine des heurts à Los Angeles, le président américain voit son soutien s’éroder, avec 43 % d’avis positifs contre 54 % de réactions hostiles.
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Maurin Picard, envoyé spécial à New York