EXCLUSIF. C’est un véritable cri d’alerte poussé par les industriels envers les institutions européennes. Seulement 31 % des industriels français ont confiance dans la capacité de l’Union à soutenir l’industrie du Vieux Continent face à ses concurrents, notamment les États-Unis et la Chine.
C’est l’un des enseignements principaux d’un sondage réalisé par l’institut Ipsos pour le compte du salon Global Industries, révélé en exclusivité par La Tribune, auprès de 1 900 cadres dirigeants dans l’industrie entre le 12 février et le 3 mars derniers.
« Ce chiffre de 31 % illustre la défiance envers les institutions. Mais ces mêmes industriels ont bien pris conscience que c’est à l’échelle européenne que la réponse doit se faire [face aux tensions géopolitiques et au risque de guerre commerciale, NDLR]. Ils attendent des réponses », commente Jean-François Doridot, le directeur général d’Ipsos Public Affaires.
D’une certaine manière, ce sondage est un revers pour les institutions européennes qui s’affairent pour déployer un plan de soutien pour l’industrie automobile, avant un plan de sauvetage pour la sidérurgie dont la présentation est annoncée pour le 19 mars. Mais les contours du Pacte pour une industrie propre ont déçu les acteurs économiques du continent, qui s’attendaient à des réponses fortes de l’Union européenne face à la surproduction chinoise et les droits de douane américains.
Actuellement, 78 % des dirigeants sondés estiment que les mesures protectionnistes annoncées par ces pays auront un impact sur leur entreprise. Ces industriels sont néanmoins prêts à soutenir l’UE en cas de mesure forte.
Les patrons prêts à soutenir des mesures protectionnistes
Selon le sondage réalisé pour l’ouverture du plus important salon industriel de l’Hexagone, Global Industrie, qui se tient à Lyon du 11 au 14 mars (2 500 exposants, soit une hausse de 15 % par rapport à l’édition précédente), 80 % des patrons d’industrie interrogés sont favorables à la mise en place de mesures protectionnistes par l’Union européenne pour protéger l’industrie.
« Au-delà d’une demande, ce chiffre est clairement une feuille de route pour les institutions. C’est ce qu’attendent nos industriels et ils savent que cela se joue à l’échelle européenne (…). Pour préparer le salon, les industriels nous parlent d’ailleurs de plus en plus d’Europe. Notre séquence d’ouverture se nomme “Le monde, ou rien” », commente Julie Voyer, directrice des salons Industrie de GL Events Exhibition Industrie et responsable du salon Global Industrie.
Pour améliorer la situation de l’industrie française, 43 % des industriels sondés jugent efficace et réaliste l’instauration de tarifs douaniers plus élevés sur les importations de produits fabriqués en dehors de l’UE, 34 % estiment cela efficace mais pas réaliste et 23 % pas efficace. Bien plus révélateur, ils sont 60 % à juger efficace et réaliste (et à attendre) une simplification du contexte réglementaire qui régit l’activité des entreprises industrielles et ils sont seulement 31 % à considérer cette mesure efficace, mais pas réaliste.
Par ailleurs, ils sont 81 % à juger efficace la création de champions européens de l’industrie dans des domaines particuliers. Enfin, regrouper des entreprises industrielles dans des consortiums pour coordonner les efforts en matière d’exportation est évalué à 37 % comme efficace et réaliste pour les industriels sondés et 43 % jugent cette mesure efficace pas irréaliste, contre 20 % pas efficace.
« L’étude démontre que l’Europe doit se positionner de manière forte, avec des mesures fortes, en faveur de son industrie. Aujourd’hui, nos industriels ne sont pas protégés. Le leitmotiv de l’édition 2025 est de ne pas lâcher », ajoute Sébastien Gillet, le directeur général de GL Events Exhibition Industrie, aussi responsable de l’événement qui débute à Lyon ce jour.
Un retour à la base
Face à ces multiples difficultés, c’est bien le sentiment d’incertitude qui domine les dirigeants industriels, pour 35 % d’entre eux. « Et en période d’incertitude, on se recentre sur nos fondamentaux », appuie Jean-François Doridot de l’institut Ipsos.
De ce fait, les enjeux prioritaires en 2025 pour les industriels restent leur capacité à satisfaire leurs clients pour 96 % d’entre eux et leur productivité pour 90 % des sondés. Non loin derrière, la compétitivité par rapport à leurs concurrents complète le podium avec 88 % des interrogés qui estiment cet item comme prioritaire, ce qui fait résonance avec l’attente d’une réponse européenne globale face aux tensions commerciales en cours.
Conséquence de cette période trouble, la réduction de l’empreinte environnementale pour l’industrie n’est jugée prioritaire en 2025 que par 56 % des dirigeants interrogés, soit en 11e position. Un peu plus surprenant, le recours à l’intelligence artificielle est quant à lui en douzième position, avec un taux de 42 %, malgré l’optimisme suscité par cette technologie.
Mais 41 % des industriels qui ont participé à ce sondage jugent nécessaire d’améliorer la productivité de leur entreprise pour assurer le développement de celle-ci dans les prochaines années. Un aspect sur lequel l’intelligence artificielle devrait avoir un rôle à jouer dans un futur proche.
À lire également
Pierrick Merlet