Jamais des élections au Groenland n’avaient connu un tel retentissement international, conséquence des visées du président américain. Le parti de centre droit Démocrates, jusque-là dans l’opposition, a remporté les élections législatives au Groenland avec 29,9 % des suffrages, devant le parti nationaliste Naleraq, partisan d’une indépendance rapide du territoire autonome danois, d’après les résultats officiels publiés mercredi. Les partis de la coalition jusqu’alors au pouvoir enregistrent un net recul se plaçant en troisième et quatrième position du scrutin.
Après avoir déjà lancé l’idée d’acheter le Groenland durant son premier mandat, s’attirant une fin de non-recevoir des autorités danoises et groenlandaises, Donald Trump martèle sa volonté d’en prendre le contrôle – sans exclure la force – sur ce territoire jugé stratégique pour la sécurité américaine et riche de minerais. Dans la nuit de dimanche à lundi, il a de nouveau promis, sur son réseau Truth Social, « sécurité et prospérité aux Groenlandais qui souhaiteraient faire partie des États-Unis ».
Aucun parti ne dispose d’une majorité au Parlement
Les déclarations du président américain ont pesé sur la campagne électorale. Naleraq voit dans l’intérêt américain pour l’île un levier dans de futures négociations avec le Danemark. Mais ces sorties refroidissent aussi parfois les ardeurs indépendantistes et incitent au maintien des liens avec Copenhague, au moins pour l’instant. « Si nous devenons indépendants, Trump pourrait devenir trop agressif, c’est ce qui me fait peur », affirmait un électeur, Ittukusuk, jugeant que « rester avec le Danemark est plus important que jamais ».
Aucun des partis n’étant en position d’obtenir la majorité sur les 31 sièges du Parlement, des tractations vont maintenant être nécessaires pour former une alliance. Celle-ci devra notamment esquisser les modalités et un calendrier menant à l’indépendance que souhaite l’immense majorité des 57 000 habitants. Les principaux partis groenlandais divergent sur la feuille de route pour la mettre en œuvre. Naleraq veut cette indépendance très rapidement. « Nous pouvons faire ça de la même manière que nous avons quitté l’Union européenne (en 1985, NDLR). Cela a pris trois ans. Le Brexit a duré trois ans. Pourquoi prendre plus de temps ? », a déclaré le chef du parti, Pele Broberg, à l’AFP. D’autres formations conditionnent l’indépendance aux progrès économiques du Groenland.
La pêche représente la quasi-totalité des exportations du territoire
À près de 90 % inuits, les Groenlandais déplorent avoir été traités historiquement comme des citoyens de second rang par le Danemark, accusé d’avoir étouffé leur culture, procédé à des stérilisations forcées et retiré des enfants à leurs familles. Un sentiment renforcé par la diffusion récente à la télévision publique danoise d’un documentaire – critiqué et finalement retiré – affirmant que l’ex-puissance coloniale avait tiré d’énormes bénéfices de l’exploitation d’une mine de cryolite sur l’île, pourtant souvent présentée comme un fardeau financier.
Recouvert à 80 % de glace, le territoire est économiquement dépendant de la pêche, qui représente la quasi-totalité de ses exportations, et de l’aide annuelle d’environ 530 millions d’euros versée par Copenhague, soit 20 % du produit intérieur brut (PIB) local. Pour Naleraq, le Groenland pourrait voler de ses propres ailes grâce à ses ressources minérales, mais le secteur minier reste pour l’heure ultra-embryonnaire, plombé par des coûts d’exploitation élevés.
(Avec AFP)
À lire également
latribune.fr