Avec 660 véhicules circulant dans l’Hexagone, le camion électrique ne pèse pas lourd dans le trafic routier. Du moins, pas encore. Les ventes ont triplé entre 2023 et 2024, passant de 57 à 164 immatriculations, soit un peu plus de 1 % du marché. Une part amenée à croître : selon le cabinet BDO, le marché du poids lourds comptera, en 2030, 35 % à 40 % de véhicules zéro émission de CO2, dont la majorité sera composée de véhicules électriques.
Afin d’encourager les transporteurs dans leur transition, les concepteurs de bornes de poids lourds déploient progressivement des stations de recharge le long des grands axes routiers. C’est notamment le cas à Perpignan non loin du MIN de Saint-Charles (Pyrénées-Orientales), et à Vendres (Hérault, entre Béziers et Narbonne) où deux stations de quatre bornes ont été inaugurées voilà quelques semaines par Milence.
Trajets régionaux
Inconnue du grand public, cette société néerlandaise a été cofondée par les constructeurs Daimler Truck (Mercedes), Traton (Man, Scania) et Volvo Truck (Renault, Mack) afin d’accompagner la transformation du marché.
« Ces deux stations de recharge s’inscrivent dans la perspective d’électrification d’un corridor entier entre Lyon et Barcelone. Ainsi, nous inaugurons en parallèle une nouvelle station composée de huit points de recharge à Malataverne, dans la Drôme, au sud de Montélimar », détaille Alexandre Hélibert, le responsable des affaires publiques de Milence pour l’Europe du Sud.
S’il est, dixit Milence, « un peu tôt » pour évoquer le taux d’occupation de ces stations, l’entreprise explique que les bornes sont d’abord aujourd’hui utilisées par des transporteurs effectuant des trajets régionaux, plutôt que transfrontaliers.
« Deux facteurs nous incitent à nous installer sur un site : la densité du trafic routier d’une part, et, éventuellement, la présence de camions électriques dans la zone d’autre part », précise ainsi Alexandre Hélibert, dont l’entreprise s’est fait une spécialité des installations le long des routes nationales, le marché de sous-concession autoroutier étant soumis à appel d’offres.
12 200 points de recharge nécessaires
Pour subvenir aux besoins du marché sur le plan national, Enedis (groupe EDF), dont le rôle est d’assurer la gestion l’aménagement du réseau de distribution d’électricité en France, estime que, dans un avenir proche, 12 200 points de recharge seront nécessaires pour la seule recharge des poids lourds en itinérance sur 519 aires de services et de repos.
« Les investissements nécessaires sur le réseau électrique (liés à l’électrification des flottes de poids lourds et leur recharge, NDLR) sont estimés à 630 millions d’euros d’ici à 2035 », affirme Gilles Pinel, directeur régional Languedoc-Roussillon d’Enedis.
De fait, le coût du raccordement au réseau électrique représente, pour les installateurs de bornes pour poids lourds, un enjeu économique pouvant remettre en cause certaines opérations, comme l’explique Alexandre Hélibert : « Il est arrivé, en France ou ailleurs en Europe, que le prix du raccordement remette en cause le modèle d’affaires d’une opération. Le coût du raccordement peut varier, d’une opération à l’autre, du simple au quintuple ».
Le soutien de l’Europe
Pour surmonter ces difficultés, l’Union européenne a décidé de subventionner le secteur (1 milliard d’euros, dont 111 millions d’euros pour Milence) au travers d’un appel à projets favorisant les créations de stations de recharge (électriques et hydrogène) situées à moins de 3 km des entrées autoroutières.
Selon le ministère de l’Aménagement du territoire, 972 points de recharge poids lourds ont été déployés dans les dépôts d’acteurs du transport tandis que 24 stations de recharge accessibles ou dédiés aux poids lourds et ouvertes à tous étaient en fonctionnement sur le territoire national au 1er janvier dernier. Entre l’Occitanie et Auvergne Rhône-Alpes, il y en a désormais trois de plus.