Le montant des fraudes fiscales, sociales et publiques a atteint un record en France : 20 milliards d’euros détectés en 2024, soit le double par rapport à 2019. Ce qui a fait dire à la ministre des Compte publics Amélie de Montchalin, à l’occasion d’une récente conférence de presse, que « c’est presqu’autant que le budget de l’intérieur et deux fois celui de la justice ».
A elle seule, la lutte contre le travail dissimulé, dont les pertes des recettes sociales sont estimées entre 7 et 9 milliards d’euros, a permis de redresser l’an dernier 1,6 milliards d’euros. Dans la lignée nationale, l’Urssaf Languedoc-Roussillon annonce un niveau jamais atteint avec plus de 54 millions d’euros redressés, incluant les cotisations et contributions non déclarées (40 millions d’euros) et des majorations de redressement ou de remise en cause des réductions de cotisations. Soit une augmentation de 84,7 % en un an.
« Avec ce niveau historique, nous touchons à une part significative des sommes et cotisations éludées qui manquent au financement de notre protection sociale, note François Hiebel, directeur régional de l’Urssaf Languedoc-Roussillon. Cela aurait permis de financer 131 800 allocations de rentrée scolaire ou plus de 22 580 accouchements. »
Près de 1 500 actions de prévention
Sans grande surprise, le département de l’Hérault, qui capitalise le plus de TPE-PME, arrive en tête des redressements avec 45,5 millions d’euros (+ 135 % par rapport à 2023), suivi du Gard (5,43 millions), des Pyrénées-Orientales (1,65 millions) et de l’Aude (1,55 millions). Point commun aux quatre départements : les secteurs majoritairement redressés sont les mêmes, à savoir le BTP représentant la moitié des cas, puis la sécurité (35 %), le secteur café-hôtellerie-restauration (5 %) et le nettoyage (4 %). Le montant moyen des redressements est de 273 930 euros.
Pour faire de la lutte contre le travail illégal une priorité, l’Urssaf Languedoc-Roussillon, qui dépend de l’autorité du préfet et du procureur de la république, a renforcé ses partenariats stratégiques (police, gendarmerie, office central de lutte contre le travail), doublé ses effectifs en trois ans (20 inspecteurs), intensifié ses contrôles – plus de 1 700, dont 80 % d’actions de prévention – et optimisé les ciblages via des méthodes de data mining (processus d’analyse de volumes massifs de données).
Auto-entrepreneurs dans le viseur
Sur les 208 actions de contrôle ciblées, les deux-tiers concernent les auto-entrepreneurs, surtout ceux travaillant dans le BTP.
« Aujourd’hui, un auto-entrepreneur qui utilise les services d’une plateforme clients (le véhicule d’un voiturier pour une livraison, NDLR) est parfois en défaut de déclaration, explique François Hiebel. Cette plateforme est responsable du chiffre d’affaires et des cotisations à jour de l’auto-entrepreneur. Nous allons donc contrôler davantage ces plateformes et les mettre à contribution si nécessaire au nom de la solidarité financière. 2026 sera une année test pour une application généralisée en 2027. »
L’Urssaf Languedoc-Roussillon s’est fixé un objectif de 120 millions d’euros de redressement (lissé de 2023 à 2027). « Nous en sommes déjà à la moitié », lâche le directeur régional.
Un taux de recouvrement de 10%
Pour autant 54 millions d’euros redressés ne signifie pas récupérés, la croissance des redressements ne s’étant pas traduite par un accroissement des encaissements afférents.
« Cela s’explique par une temporalité différente entre le redressement et le recouvrement, justifie Elidie Mendel, directrice contrôle. La lutte est complexe car certaines entreprises organisent leur insolvabilité ou disparaissent rapidement, par exemple avec des sociétés écrans… Pour lutter contre ces entreprises éphémères, des mesures réglementaires ont été instaurées, notamment l’obligation de publier les transmissions universelles de patrimoine au fichier Boddac et de présenter une attestation de compte à jour en cas de liquidation amiable. »
Pour l’heure, le taux de recouvrement est de 10 %. Plus gros coup de filet : une société héraultaise de gardiennage avec, à la clé, une régularisation de 2,5 millions d’euros. Pas négligeable en ces temps de resserrage budgétaire.