Quatre ans après son abandon, le dispositif Pass saisonnier est relancé. Depuis le 17 mars, treize personnes suivent une formation de trois mois axée sur les plantes à parfums, l’oléiculture et la réfection des murs en pierre sèche, dans le but de devenir ouvrier agricole polyvalent. Cette initiative, imaginée conjointement par l’association des Fleurs d’exception du Pays de Grasse, la communauté d’agglomération du Pays de Grasse, Les Apprentis d’Auteuil et France Travail, vise à répondre aux besoins en main-d’œuvre du secteur de la parfumerie en général, des exploitants agricoles en particulier. « Sans saisonnier, pas de récolte, sans récolte, pas de matière première végétale à transformer, et donc en bout de ligne, pas de parfums », rappelle Armelle Janody, productrice et présidente de l’association à l’initiative du dispositif.
Née en 2008, celle-ci œuvre à la restructuration de la filière parfum, à commencer par la réanimation de la culture de plantes à parfum sur le territoire historique du Pays de Grasse, réduite à sa plus simple expression à la fin du siècle dernier. En une quinzaine d’années, 16 nouvelles exploitations ont été créées et 10 autres se sont diversifiées pour couvrir aujourd’hui une soixantaine d’hectares de plantations qui alimentent les transformateurs et industriels du secteur. Iris, jasmin, tubéreuse, fleur d’oranger, rose de mai… les productions sont aussi variées que les gestes techniques qu’elles nécessitent, entre la taille, le butage, le débutage, le bouturage, le palissage… « La récolte des fleurs n’est pas la partie la plus importante de l’histoire. C’est explosif, intensif, mais finalement très court. Il y a bien d’autres tâches pour lesquelles nous avons besoin de monde. »
Un dispositif remanié
Or, comme dans beaucoup d’autres filières, il en manque. D’où la réactivation de ce Pass saisonnier, né une première fois en 2017. Une douzaine de personnes avaient alors suivi une formation élaborée sur-mesure, avec succès, au point pour une poignée d’entre elles de monter leur propre exploitation de plantes à parfum. Mais l’approche proposée, limitée aux seules fleurs, s’était avérée trop restrictive pour permettre un retour au plein emploi, objectif principal du financeur, France Travail. Lequel s’était alors retiré. La deuxième tentative sera- t-elle la bonne ? « Nous avons travaillé pour, assure la productrice, notamment en élargissant la formation à d’autres champs d’activité afin de garantir une employabilité sur l’année et ainsi permettre les conditions de fidélisation de cette main-d’œuvre. » De même, « un système d’animation de la communauté sera mis en place à l’issue de la formation pour mettre en relation les saisonniers formés et les producteurs susceptibles d’avoir besoin d’eux. »
Du côté de France Travail, financeur de ce format expérimental, « tout a été fait pour sécuriser la bonne réussite du nouveau dispositif », explique Pascale Puig, qui intervient sur le secteur de Grasse. Du sourcing des candidats, essentiellement des femmes en reconversion professionnelle, au parcours de présentation et d’immersion en situation réelle afin d’éprouver, avant même la formation théorique délivrée par Les Apprentis d’Auteuil, leur appétence pour ce métier au grand air mais dont les difficultés sont nombreuses. « Notre objectif est de nous assurer que chacun des candidats suivent la formation jusqu’au bout et signent à son issue un contrat de travail ». En fonction, l’initiative sera réitérée et pourquoi pas duplicable pour d’autres secteurs en tension.
Préservation des savoir-faire
Cette formation telle qu’elle a été imaginée s’inscrit dans une dynamique de préservation, de reconstitution et de transmission des savoir-faire portée par l’association Les Fleurs d’exception du Pays de Grasse. « C’est un des maillons de la chaîne d’expertise qui existait autrefois et qui s’est progressivement délité », souligne Armelle Janody. Qui travaille sur deux autres volets en lien avec la formation. Le premier s’intéresse aux techniques d’agriculture régénérative. « Notre objectif est d’amener nos 45 agriculteurs, déjà labellisés bio, vers une agriculture la plus vertueuse possible. » Le second adresse les partenaires industriels et transformateurs des exploitants, qu’il convient de sensibiliser aux problématiques de l’agriculture. « Nous avons certains pans de la filière complètement déconnectés du monde agricole, de ses problèmes, de sa saisonnalité. Pour bien travailler, il est nécessaire d’avoir des interlocuteurs conscients des réalités agricoles, non pas pour les contraindre mais pour développer avec eux de nouveaux projets et les accompagner dans leur réflexion ».