Christophe Raynaud De Lage
On a été voir
Par Armelle Héliot
Publié le
Réfugiées en France, soutenues par le Théâtre National Populaire de Villeurbanne, les comédiennes de l’Afghan Girls Theater Group jouent, sous la direction de Jean Bellorini, une adaptation de l’Antigone de Sophocle. Un spectacle magnifique à voir aux Bouffes du Nord, à Paris.
Dès ce vendredi 4 avril, dans le cadre toujours aussi séduisant des Bouffes du Nord, à Paris, le public va découvrir Les Messagères. Un spectacle mis en scène par le directeur du Théâtre national Populaire de Villeurbanne, Jean Bellorini. « Un peu après le 15 août 2021, alors qu’au départ des Américains, les Talibans avaient pris Kaboul, elles avaient pu bénéficier du dernier vol vers la France, qui avait organisé dans l’urgence quelques départs », rappelle Jean Bellorini.
Et de poursuivre : « Depuis septembre 2021, Joris Mathieu, directeur du Théâtre Nouvelle Génération, centre national dramatique de Lyon, et nous, au TNP-Villeurbanne, avons suivi ce groupe, répondant à un appel de leur compatriote Kubra Khademi, plasticienne et performeuse qui avait dû fuir son pays quelques années auparavant. La plus âgée de ces jeunes femmes avait 23 ans, les autres autour de 20 ans, la plus jeune 17. Le temps a passé, mais nous sommes demeurés en contact constant. Après leur avoir trouvé des logements, la première décision avait porté sur l’apprentissage de la langue française. »
À LIRE AUSSI : Au Théâtre du Châtelet, Olivier Py offre une remarquable version de “Peer Gynt” d’Henrik Ibsen
Le théâtre est ce qui liait l’Afghan Girls Theater Group et leur metteur en scène, Naim Karimi, les accompagnait. Dès leur arrivée en France, en même temps que les cours de langue, elles ont travaillé ou ont été inscrites dans différents cursus universitaires. Elles ne se destinent pas au seul métier de comédienne. Dans Les Messagères, elles sont bouleversantes.
Il s’agit d’une adaptation de l’Antigone de Sophocle, donné en dari, ce « persan afghan ». L’Iranienne Mina Rahnamaei a traduit le texte avec Florence Guinard. En prologue quelques très belles lignes de Martine Delerm pour son Antigone destinée à la jeunesse, Antigone peut-être (Cipango éditeur).
Fines sihouettes dans de longues robes
En récupérant quelques éléments de spectacles précédents, notamment le grand bassin des Paroles gelées d’après Rabelais, Jean Bellorini a conçu une élégante scénographie dans laquelle l’eau joue un rôle essentiel avec d’harmonieuses lumières et des sons délicats. Dès juin 2022, Hussnia, Freshta, Atifa, Sediqa, Shakila, Shegofa, Marzia, Tahera et Sohila ont répété, cherché. Le spectacle est très beau et très émouvant. Il a été donné à Montpellier, au Printemps des Comédiens, repris à Villeurbanne en septembre dernier, été présenté à Toulon et, plus récemment au Tremblay-en-France.
À LIRE AUSSI : Les scénaristes de “Kaboul” sur France 2 : “L’Occident mène ses guerres sans élaborer de stratégie précise”
La personnalité de ces jeunes femmes qui ont tout quitté en quelques heures, nimbe leur jeu, donne à leurs présences une force particulière. Fines silhouettes dans de longues robes, elles évoluent sous un globe imposant – lui aussi récupéré d’un précédent spectacle – et donnent à leur Antigone une puissance éternelle.
Théâtre des Bouffes du Nord, Paris, du 4 au 13 avril. A 20h00. Durée : 1h50. En dari (ou “persan afghan”) avec de très lisibles sur-titrages.
Nos abonnés aiment
Plus de Culture
Votre abonnement nous engage
En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.
Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne