“Inutile”, “inefficace” voire “risquée” : 9 élus PS ont voté contre l’inscription du consentement dans la définition du viol

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“Inutile”, “inefficace” voire “risquée” : 9 élus PS ont voté contre l’inscription du consentement dans la définition du viol






















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La proposition de loi visant à intégrer la notion de non-consentement à la définition pénale du viol a été adoptée ce 1er avril à l’Assemblée.
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La proposition de loi transpartisane visant à intégrer la notion de non-consentement à la définition pénale du viol a été adoptée ce mardi 1er avril à l’Assemblée. Parmi ses détracteurs figurent neuf élus socialistes, qui dénoncent non seulement « l’inutilité » d’un tel ajout, mais craignent également qu’il ne vienne complexifier la procédure pour les victimes.

À l’issue de seize mois d’auditions et de travaux à l’Assemblée – le texte ayant voyagé d’une commission parlementaire aux bancs de l’Hémicycle en passant par le Conseil d’État –, les députés ont rendu leur verdict. Avec 161 voix pour et 56 contre, la proposition de loi transpartisane visant à intégrer la notion de non-consentement à la définition pénale du viol a été adoptée ce mardi 1er avril à l’Assemblée. « Je crois que ce soir, collectivement, nous avons acté que nous passions de la culture du viol à la culture du consentement », s’est aussitôt félicitée Marie-Charlotte Garin, députée écologiste et corapporteuse du texte, en évoquant une « première pierre que nous lançons dans le mur de l’impunité ».

Comme le montre le résultat du vote, la proposition de loi n’a pas fait l’unanimité. De leur côté, les élus ciottistes de l’Union des droites pour la République (UDR) et le Rassemblement national ont assumé une opposition collective. Les socialistes, eux, ont opté pour la liberté de vote. Ainsi, 21 députés PS ont voté pour, et 9 s’y sont opposés.

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Parmi eux, Florence Herouin-Léautey, élue en Seine-Maritime, à l’origine pourtant favorable à cette évolution législative. « Moi-même, j’ai longtemps considéré qu’il s’agissait d’un moyen pour lutter contre l’impunité des agresseurs, admet-elle. Mais après avoir étudié le sujet, je suis désormais convaincue que cette proposition de loi est l’exemple type d’une fausse bonne idée. » Tout d’abord, parce qu’un tel ajout s’avérerait « inefficace » et « inutile », selon la députée, alors que la définition pénale actuelle du viol couvre d’ores et déjà quatre types de situations de violence sexuelle.

Rappelons que le Code pénal définit le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ». Tout en conservant ces quatre derniers critères, avec la proposition de loi, cette définition serait ainsi élargie à « tout acte sexuel non consenti ». Ledit consentement devrait être « libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable », et il ne pourrait « être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime ».

Un dépôt de plainte complexifié ?

Le premier écueil, selon les détracteurs du texte, tient à sa rédaction. « Le viol n’a rien d’une relation sexuelle, c’est un acte violent et subi », martèle Florence Herouin-Léautey. « On s’égare, poursuit-elle, lasse. Au mieux, on ne résoudra rien. Au pire, cette évolution législative va enterrer le sujet en considérant qu’on a fait le nécessaire, et accroître les difficultés des victimes. »

Car les socialistes interrogés par Marianne l’affirment : en l’état, rien ne prouve que l’intégration de la notion de non-consentement dans la loi va permettre d’améliorer la reconnaissance et la prise en compte de la parole de ces victimes. Actuellement, sur le peu de personnes qui portent plainte, le ministère de la Justice a comptabilisé 73 % de classements sans suite en matière de violences sexuelles en 2018, bien que l’auteur soit souvent identifié.

« C’est parce que les auteurs ne sont pas massivement condamnés que le climat d’impunité perdure », peut-on lire dans un rapport d’information publié en janvier dernier, qui rappelle que seules 1 117 condamnations pour viol ont eu lieu en 2023. À titre de comparatif, la même année, 114 080 personnes ont été victimes de viols ou de tentatives de viol.

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Mais selon Céline Thiébault-Martinez, élue PS en Seine-et-Marne, « la question de la diminution de ces classements sans suite liée à cette évolution législative demeure sans réponse ». Pire, le dépôt de plainte peut même s’avérer plus complexe, selon la socialiste : « Quelles vont être les questions de l’agent de police ou du gendarme qui va recevoir la plaignante ? Le consentement est une notion floue et sa définition peut diverger d’un homme à une femme, voire d’un policier à un gendarme. »

De son côté, Arnaud Simion, député en Haute-Garonne, craint que « les enquêtes se bordent à scruter chaque incohérence potentielle afin de démontrer si la victime était consentante ou non ». Et, passé le stade du commissariat, les détracteurs du texte s’inquiètent de l’incidence de cette évolution législative sur le comportement et la décision des juges. « Notre crainte, c’est que cette notion se retourne contre la victime et l’accule, se désole Florence Herouin-Léautey. Étant donné qu’en droit pénal, la présomption d’innocence prévaut, ce sera à la victime d’apporter la preuve qu’elle n’était pas consentante. »

Manque de moyens

Pour ces députés socialistes, l’urgence n’était pas à « l’ajout de notions symboliques », mais bien à allouer de nouveaux moyens aux enquêteurs comme à la justice. « C’est un leurre de penser qu’on peut améliorer les choses sans aucune nouvelle solution pour collecter les preuves et étayer le dossier des victimes », assure l’élue de Seine-Maritime.

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Constat d’ailleurs partagé par le Conseil d’État qui, dans un avis consultatif publié le 11 mars, estime que la proposition de loi « n’augmentera probablement pas » le taux de répression des viols et n’a pour « principal apport » que de graver dans la loi « les avancées de la jurisprudence ».

Ainsi, parmi les solutions avancées par les députés et certaines associations féministes opposées à la proposition de loi, figure la formation des policiers, des gendarmes et des magistrats « qui existe, mais qui n’est ni continue ni systématique », comme le regrette Céline Thiébault-Martinez. Le remboursement à 100 % des soins psychologiques ou encore l’augmentation du nombre d’hébergements pour les victimes de violences et leurs enfants font également partie des propositions. Lesquelles, cependant, ne figureront pas dans le texte étudié par le Sénat dans les prochaines semaines.


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