Surprise ! Dans la liste dégainée mercredi soir par Donald Trump, les Outre-mer français se voient appliquer des taxes douanières souvent beaucoup plus élevées que celle que l’administration américaine prétend imposer à l’Europe, et donc à la France métropolitaine. Or ces territoires ultramarins font juridiquement partie de la zone douanière de l’UE.
« Trump est un ignorant »
La liste indique que la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Mayotte — des départements et région d’outre-mer ou DROM (ex-DOM) — verraient leurs produits taxés à hauteur de 10 % supplémentaires par les autorités américaines. La Réunion écoperait d’une taxation de 37 %.
« Donald Trump est un ignorant, a commenté la présidente (divers gauche) de la collectivité régionale, Huguette Bello. La Réunion fait partie de l’ensemble douanier européen, des droits de douane spécifiques ne peuvent donc pas nous être appliqués. »
Le gouvernement américain prévoit d’imposer des droits de douane de 50 % sur les produits importés depuis l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Or ce territoire a le statut plus autonome de collectivité d’outre-mer (COM), il ne fait donc pas partie de l’UE, aux yeux des douanes américaines. Dotée du même statut, la Polynésie française ne se voit imposer que 10 % de taxes douanières américaines.
Incompréhension
Comment expliquer ce choix de l’administration Trump ? Pour Olivier Sudrie, cofondateur du cabinet d’étude et de conseil DME, spécialisé dans les régions ultramarines, « la raison de ce choix est difficile à cerner, cela donne l’impression d’une méconnaissance du statut de ces territoires d’outre-mer ».
Selon l’économiste, imposer des droits de douane différenciés à des DROM, comme la Martinique ou la Guadeloupe « n’est, de facto, pas possible ». Vu que ces territoires ultramarins font partie de l’UE, chaque droit de douane que les États-Unis leur facturent, « est payé avec le même taux que l’Union européenne ». Soit désormais 20 %, d’après la nouvelle liste de Washington. Par ailleurs, « l’incompréhension est aussi de mise pour l’île de la Réunion », souligne Olivier Sudrie. « Ce département d’Outre-mer se voit imposer 37 % de droits de douane, alors qu’il a le même statut que les Antilles françaises ».
L’expert se poser « la même question » pour la collectivité d’Outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon imposé à 50 %, tandis que la Polynésie française, qui a le même statut, ne devra payer que 10 % de droits de douane aux États-Unis. Pour l’économiste, Saint-Pierre-et-Miquelon est certes proche du continent américain, mais ce territoire ne compte que 6 000 habitants. « Je doute que celui-ci menace l’économie américaine… insiste-t-il. Je sais en revanche que l’île exporte du poisson et quelques produits agroalimentaires au Canada, son premier partenaire commercial. Est-ce une manière pour Trump de se venger ? C’est une hypothèse à envisager. »
Un impact modéré ?
L’impact de ces droits de douane sur l’économie territoires ultramarins sera aussi « modéré », selon l’expert. L’île de la Réunion, indique-t-il, n’exporte que 8 % de ses marchandises aux États-Unis, soit un revenu qui ne représente que 0,1 % de son PIB. Même résultante pour la Polynésie française qui n’exporte que 12 % de ses marchandises aux États-Unis, selon un rapport (page 17) de l’IEOM (Institut d’émission d’outre-mer), qui assure le rôle banque centrale dans les collectivités d’outre-mer du Pacifique.
Enfin, le docteur en économie attire l’attention sur cette autre difficulté : « Les marchandises provenant des départements et régions d’outre-mer arrivent aux États-Unis en bateau avec des conteneurs siglés “France”. En pratique, peu de chance que les douaniers américains vérifient s’ils contiennent des produits issus des DROM ou de France métropolitaine. Il y a énormément de flou dans l’application de ces droits de douane en réalité. »
« C’est une attaque qui n’est même pas voilée contre la France, c’est quelque part une contestation de la présence française dans ces territoires », a commenté devant des journalistes l’ancien ministre des Outre-Mer et sénateur PS de Guadeloupe Victorin Lurel, appelant à « une réaction du président de la République, du gouvernement, sur cette affaire ».
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