C’était une PME discrète, qui développait, jusqu’ici au cœur de l’écosystème grenoblois, des systèmes pour la chirurgie digitale. Créée en 2008, MinMaxMedical fait partie d’un écosystème d’entreprises (Ecential Robotics, Spineart, etc.) et d’un incubateur de start-up (Haventure) bâties par le serial entrepreneur isérois, Stéphane Lavallée.
Avec en premier lieu, l’ambition de développer des briques logicielles afin de planifier et faciliter les gestes opératoires : « Nous avons commencé par travailler sur des preuves de concept pour des produits hardwares, que l’on revendait ensuite à des partenaires ou à des start-up que l’on co-créait », explique Thomas Lonjaret, Ceo de MinMax Medical.
Désormais, la PME de 53 salariés – dont le site de R&D est actuellement basé au cœur de la métropole grenobloise à Saint-Martin-d’Hères -, s’apprête à confirmer un virage vers l’industrialisation de robots chirurgicaux, entamé en 2024 : « à mon arrivée, nous nous avons fait le choix de passer des preuves de concept à des produits industrialisables, avec en premier lieu une série de robots médicaux comprenant des systèmes de navigation qui peuvent s’apparenter à des GPS dédiés aux gestes chirurgicaux », avance Thomas Lonjaret.
C’est donc pour produire ces nouveaux bras armés, destinés à accompagner le geste des chirurgiens, que MinMaxMedical vient d’inaugurer ce vendredi son premier site industriel, au nord de la métropole grenobloise, à Apprieu. Une première qu’il revendique à l’échelle européenne, puisque ce nouveau site de production se destinera uniquement à la fabrication de robots médicaux en volume.
Les bras de ces robots chirurgicaux, destinés à différents champs médicaux, peuvent peser jusqu’à 300 kilos sur 2 mètres de long.
Un virage vers l’industrialisation pour 2027
« Nos logiciels sont utilisés dans le monde médical depuis 2010, et nous avons développé 5 prototypes de robots et 15 prototypes de systèmes de localisation déjà en activité, sous forme de test, chez nos clients », confirme Thomas Lonjaret.
Depuis quelques années, le marché mondial de la robotique médicale est en pleine expansion : il représentait environ 8,3 milliards de dollars, avec des prévisions atteignant 20 milliards d’ici 2030, selon une étude Research and Markets. En parallèle des pionniers à l’échelle mondiale, comme le robot Da Vinci développé par la société californienne Intuitive Surgical, des sociétés hexagonales se sont lancées dans la course, à l’image par exemple du franco-américain Moon Surgical, ou de l’ex-montpelliérain Mdetech, créateur du robot Rosa dédié aux opérations du cerveau et de la colonne vertébrale (revendu depuis à l’américain Zimmer Biomet).
En Auvergne-Rhône-Alpes, c’est aussi le cas de la jeune pousse Orthotaxy, issue de l’incubateur « maison » Haventure (ex-BizMedTech), qui après avoir été rachetée en 2018 par l’américain Johnson & Johnson Medical Devices, avait obtenu l’autorisation de commercialiser sa solution robotisée d’assistance à la pose des prothèses du genou sur le marché américain en 2021 (puis en Europe, en 2024).
Dans ce contexte, l’objectif de MinMaxMedical est désormais de passer « à la vitesse supérieure », et notamment d’entamer une phase d’industrialisation qui devrait la mener, d’ici 2026, sur des pré-séries, puis à une entrée de ses produits sur le marché, dès 2027.
« À compter de 2028, nous visons une production de 100 robots par an et de 200 systèmes de localisation, ainsi que de plusieurs dizaines de milliers de capteurs de localisation », confirme son Ceo.
Plusieurs applications ont ainsi été identifiées à destination du monde médical, à commencer par la chirurgie orthopédique, dentaire, ainsi qu’à l’avenir, la cardiologie, ou la neurologie… Avec, comme postulat, celui de non pas remplacer le chirurgien, mais de le guider dans ses gestes, de le former plus vite et de le faire gagner en expérience.
« Nous souhaitons contribuer à diminuer les temps d’opération et surtout, les temps de récupération à l’hôpital, en lien avec le développement de la chirurgie mini-invasive », souligne Thomas Lonjaret.
Un modèle de commercialisation inédit
Pour sa commercialisation, dans un secteur où les délais de mise en marché peuvent atteindre six années en moyenne, MinMaxMedical parie toutefois un modèle alternatif : « Nous avons co-créé des start-up qui se spécialisent et utilisent chacune nos composants sur une application clinique précise. Nos composants suivent les normes médicales, mais ce sont ensuite elles qui vont passer les certifications médicales du système global et qui commercialisent les produits auprès des clients finaux ».
Soit une dizaine de jeunes pousses, toutes fabricantes de dispositifs médicaux, qui intègreront les systèmes de MMM, notamment dans la pose d’implants dentaires (Dental Hologram) ou encore la chirurgie de la cheville et du pied (Extremis Robotics). La medtech serait également en discussion très avancée avec deux partenaires industriels.
Côté financements, ce virage vers l’industrialisation nécessitera une enveloppe de 15 millions d’euros sur quatre ans, qui comprend une aide de la Région Auvergne-Rhône-Alpes à hauteur de 430 000 euros. Des discussions demeurent en cours pour boucler une partie de l’enveloppe auprès d’investisseurs locaux, dont un fonds de dotation créé également par Stéphane Lavallée. « L’usine représente plus des deux tiers des 15 millions d’euros, le reste étant dédié à notre R&D que nous souhaitons maintenir », ajoute Thomas Lonjaret.
Avec un chiffre d’affaires passé de 1,7 million d’euros à 3 millions en 2024, MinMaxMedical compte atteindre les 12,5 millions d’euros en 2025. Avec l’objectif de franchir, d’ici 2027/2028, le cap des 50 millions d’euros, en s’appuyant notamment sur des partenariats avec de gros industriels des dispositifs médicaux et le lancement de ses activités à l’export, et notamment aux États-Unis.
Et ce, malgré les droits de douane brandis ce mercredi 2 avril par Donald Trump : « Avant l’Europe, notre premier marché reste les États-Unis avec la FDA, qui nous offre malgré tout plus de visibilité que les certifications européennes. Au-delà des gesticulations actuelles que l’on peut voir, le domaine du médical reste un secteur de long terme », assure Thomas Lonjaret, glissant qu’un virage vers l’Asie est de toute façon à l’agenda, indépendamment des récentes annonces du président américain. MinMaxMedical envisage de recruter 15 personnes dès cette année, pour atteindre les 80 salariés en 2027.