“Marianne” vous répond : pourquoi Donald Trump souhaite-t-il imposer 46 % de taxes douanières au Vietnam ?

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“Marianne” vous répond : pourquoi Donald Trump souhaite-t-il imposer 46 % de taxes douanières au Vietnam ?





















Donald Trump a annoncé une hausse de 46 % des droits de douane du Vietnam à partir du 9 avril. En réponse, le secrétaire général To Lam demande un délai de 45 jours.
BAY ISMOYO, SAUL LOEB / AFP

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Donald Trump a mis à exécution la hausse tarifaire annoncée : un seuil de 10 % pour l’ensemble des produits importés sur son territoire, ponctué d’une surtaxe, définie au cas par cas, pour les partenaires considérés comme hostiles. Pour le Vietnam, la note s’élève à 46 %. Vous vous posez des questions sur les raisons de droits de douane aussi élevés ? « Marianne » fait le point et répond à vos questions.

Donald Trump, le « tariff man », a tenu sa promesse : un seuil de 10 % de hausse tarifaire pour l’ensemble des produits importés sur le territoire américain ponctué d’une surtaxe, définie au cas par cas, pour les partenaires considérés comme hostiles. Pour l’Union européenne, la note s’élève à 20 %. Pour d’autres, elle est encore plus salée. C’est le cas du Vietnam qui se voit imposer, pour l’heure, des taxes douanières de 46 %. Vous vous posez des questions sur les conséquences de telles hausses ? Les journalistes de Marianne vous proposent d’y répondre en les posant dans ce formulaire.

Votre question : Pourquoi Donald Trump souhaite-t-il imposer 46 % de droits de douane au Vietnam ?

Notre réponse : Pour commencer, rappelons que ces droits de douane sont censés s’appliquer dès ce 9 avril. Le secrétaire général du Parti communiste vietnamien, Tô Lâm, a toutefois demandé un délai de 45 jours au président américain tout en lui soumettant un certain nombre de concessions lors d’un appel téléphonique. Un échange que Donald Trump a qualifié de « constructif ». Le Vietnam représente un partenaire commercial de taille pour les États-Unis. En 2024, selon le magazine Courrier Vietnam, les échanges entre les deux pays ont « dépassé 132 milliards de dollars, avec près de 119 milliards de dollars d’exportations vietnamiennes vers les États-Unis, soit une hausse de 23,3 % par rapport à l’année précédente ». Le textile et les composants électroniques y occupent une place importante.

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Côté américain, toutefois, les exportations en direction du Vietnam n’ont représenté « que » 15 milliards de dollars. Soit un déficit commercial pour les États-Unis de 104 milliards de dollars. C’est là que se situe le point majeur d’une telle hausse de droits de douane. Johannes Boehm, professeur du département économique de la Geneva Graduate Institute, à Genève, simplifie pour Marianne le calcul effectué par l’administration Trump : « Les États-Unis ont imposé des droits de douane plus élevés [que le seuil de 10 %] aux pays avec lesquels ils ont un déficit commercial bilatéral ». Ce « déficit commercial » est mesuré en fonction de la « balance commerciale » des deux pays, c’est-à-dire la différence entre leurs exportations et leurs importations.

Johannes Boehm détaille : « Le droit de douane annoncé correspond simplement au déficit commercial bilatéral de 2024 divisé par les importations américaines en provenance de ce pays, puis à nouveau divisé par deux. » Un calcul pour le moins nébuleux, selon Pauline Wibaux, économiste au sein du Centre de recherche et expertise sur l’économie mondiale (Cepii), pour qui « ce calcul n’a aucun sens d’un point de vue économique ». Valable, ou non, cette formule mathématique est défendue par une publication du Bureau du représentant américain au commerce (US Trade Representative, USTR).

Selon Johannes Boehm, qui en a fait la lecture, ce document précise que « ce droit de douane permettrait de ramener le déficit bilatéral à zéro ». Donald Trump est ainsi arrivé à la conclusion que les importations américaines en provenance du Vietnam représentent 92 % de leurs échanges bilatéraux, soit 46 % de droits de douane. Faut-il y voir pour autant une stratégie ciblée de la part des États-Unis ? Nullement, selon Pauline Wibaux : « Attention à ne pas y voir une logique politique quelconque. Il s’agit d’un simple calcul, appliqué de manière bête et méchante à l’ensemble des partenaires commerciaux des États-Unis. »

Zone d’exportation stratégique

Une telle hausse des droits de douane serait une catastrophe économique pour ce pays de l’Asie du Sud-Est. Les exportations du Vietnam en direction des États-Unis représentent 25 % de son produit intérieur brut (PIB). En cas de maintien de tels tarifs, le secteur des fruits de mer, des vêtements, des chaussures, du bois ou encore des produits électroniques seraient tout particulièrement affectés. Mais alors, comment expliquer un tel déséquilibre commercial entre les deux pays ?

Le premier mandat de Donald Trump, entre 2016 et 2020, a été déterminant. Le président républicain avait, en effet, d’ores et déjà augmenté les droits de douane à l’importation de plusieurs biens : panneaux solaires, acier et aluminium notamment. À l’époque, la Chine, en tant que productrice mondiale du secteur photovoltaïque et métallurgique, avait riposté en imposant à son tour des droits de douane.

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De telles hausses de douane avaient entraîné un effet rebond au niveau du Vietnam : « Le Vietnam sert de plateforme d’exportation pour beaucoup d’entreprises chinoises pour éviter les droits de douane appliqués sur la Chine. Pour cela, elles réalisent la dernière étape de leur fabrication au Vietnam », développe Pauline Wibaux. Outre la Chine, Hubert Testard, Hubert Testard, professeur à Sciences Po Paris et spécialiste de l’Asie et des enjeux économiques internationaux, estime que « le Vietnam est une plateforme internationale d’exportation de toutes sortes de produits ». L’entreprise coréenne Samsung y est par exemple implantée, ainsi que 50 % de la production de Nike (marque américaine, donc), spécialisée dans les articles de sport, sont issues des 200 usines présentes sur le territoire vietnamien.

Intérêts communs

Face à ce tableau, le Vietnam se dit prêt à plier aux exigences américaines. Le plus haut représentant vietnamien, Tô Lâm, se dit prêt aux concessions suivantes : réduire à 0 % les droits de douane appliqués aux exportations américaine (contre un taux moyen actuel de 9,4 %), accroître ses importations en provenance des États-Unis (principalement dans le secteur de l’énergie et des technologies de pointe) ainsi qu’à faciliter l’accès au marché vietnamien aux entreprises américaines.

Le Vietnam n’envisage donc pas de riposter par une hausse des droits de douane sur les produits américains. Une stratégie que Pauline Wibaux explique : « De la même manière qu’imposer des droits de douane est coûteux pour les États-Unis, en termes d’inflation notamment, mettre en place des mesures de représailles l’est aussi. D’autant plus pour les “petits pays économiques”, comme le Vietnam, qui ont un PIB plus faible que la moyenne. »

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Pour l’heure, la voie semble ouverte pour la négociation entre les deux pays. Ce qui serait bénéfique pour les deux partenaires économiques comme le laissent penser les investissements personnels de Donald Trump et d’Elon Musk au Vietnam. À ce sujet, Hubert Testard souligne : « N’oublions pas que la Trump Organization a un gros investissement en cours au Vietnam dans une province proche de Hanoï, d’une valeur d’1,5 milliard de dollars. Donald Trump n’a pas intérêt à ce que le Vietnam se casse la figure. »

Le conglomérat propriété de la famille Trump et la société vietnamienne Hung Yen ont, en effet, officialisé en septembre dernier le projet de construction d’un complexe de luxe comprenant un hôtel cinq étoiles, un terrain de golf et une zone résidentielle. Quant au patron de SpaceX, Elon Musk, il s’est engagé, à cette même période, à investir 1,5 milliard de dollars au Vietnam. L’entreprise a par ailleurs obtenu fin mars, l’autorisation du vice-Premier ministre vietnamien, Nguyên Chi Dung, de démarrer un programme pilote visant le déploiement de services de télécommunication au Vietnam.


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