Thales a beau afficher des bénéfices records, dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, le groupe de technologie et de défense doit faire face en interne à une grogne sociale d’ampleur chez une partie des 2 200 employés de son site de Mérignac, près de Bordeaux.
En cause : les syndicats maison jugent « indécentes » les hausses de salaires proposées par la direction à l’occasion des négociations annuelles obligatoires qui viennent de s’achever. Alors même que Thales a distribué l’an dernier à ses actionnaires plus d’un milliard d’euros en dividendes, rachat d’actions et anticipe déjà pour cette année une croissance de 5 % à 6 %. « Malgré des résultats historiques, la direction nous propose seulement 2 % d’augmentation alors que nous réclamons le double, assure Thierry Adam, élu CFDT. Il n’y a pas de partage de la valeur et un désinvestissement complet à la fois industriel et humain. »
Entre grève perlée et distribution de tracts, le mouvement est entré dans sa 14ème semaine et il s’est encore durci il y a trois semaines. L’intersyndicale affirme que 80 % des lignes de production du radar qui équipe les Rafale sont aujourd’hui à l’arrêt. Pour l’instant, Dassault puise dans ses stocks mais ce composant essentiel à l’avion de chasse pourrait finir par manquer.
Et si le mouvement faisait tache d’huile ?
« Dans l’esprit de beaucoup, Thales est vue comme une belle entreprise car il y a des locaux neufs, une communication tirée à quatre épingles et des résultats au-dessus du panier, observe Cyril Giraud, de la CFE-CGC. Mais s’il n’y a pas de politique salariale à la hauteur lors des années fastes, qu’est-ce que ce sera le reste du temps ? Tous les salariés du groupe vivent cela comme une injustice. » Les grévistes dénoncent aussi des écarts de salaires importants et une baisse des moyens dans la formation et le développement de compétences.
Interrogée par la Tribune, la direction affirme de son côté que « les négociations annuelles au sein du groupe sont désormais terminées et qu’elles se sont déroulées dans le cadre d’un dialogue social actif. Plusieurs mobilisations ont été observées sur des sites en France et celles-ci ont eu lieu dans un esprit d’échanges constructifs. »
La grogne pourrait bien s’étendre au sein du tissu aéronautique, spatial et défense de l’opération d’intérêt métropolitain Bordeaux Aéroparc, le premier pôle industriel régional fort de 47 000 emplois. C’est en tout cas le souhait de l’intersyndicale (CFDT, CFE-CGC, CGT, CFTC, SUPPer). Pour se faire entendre et tenter d’entraîner dans leur mouvement d’autres salariés comme ceux d’ArianeGroup et de Dassault Aviation, elle appelle à manifester ce jeudi à 13h00 devant les locaux de Thales à Mérignac.