Ancien PDG de la marque de prêt-à-porter Smugler, Gilles Attaf, qui sera présent à Marseille le 22 mai pour les Rencontres du Made in France, a été réélu l’an dernier président de la certification Origine France Garantie, née à l’initiative du député Yves Jego. Une certification qui tient compte de l’origine des principales caractéristiques d’un produit.
LA TRIBUNE – Vous êtes président de l’association qui porte la certification Origine France Garantie. En tant que tel, vous êtes bien placé pour mesurer l’engouement (ou non) en faveur du Made in France, dans un contexte géopolitique bousculé. Comment se porte-t-il ?
GILLES ATTAF – Du côté d’Origine France Garantie, il se porte très bien. Nous certifions beaucoup de nouveaux adhérents, de nouveaux produits. Il y a une forte demande de traçabilité et de crédibilité. La période actuelle, comme le covid-19 en son temps, met en avant les problématiques de souveraineté, le besoin de réindustrialiser notre pays. On parle aussi beaucoup de Shein ou Temu, et nous savons à quel point il est scandaleux de laisser rentrer sur notre territoire leurs produits qui ne répondent pas du tout aux normes que l’on impose aux entreprises françaises.
À propos de normes, l’abandon de la directive CSRD est vue par certains comme un nivellement par le bas. Qu’en pensez-vous ? Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle pour le Made in France ?
Pour nous, c’est extrêmement positif. La radicalité n’a jamais servi notre projet. On ne peut pas accentuer les exigences à l’égard des entreprises qui ont envie de produire. Les produits fabriqués en France sont, de fait, plus vertueux que ceux qui proviennent de l’autre bout du monde. On ne va pas rajouter une couche de difficultés à des entreprises qui souffrent déjà de concurrence déloyale, que ce soit du fait du dumping asiatique ou du protectionnisme américain. Il faut assouplir les règles, notamment celles de la Zéro artificialisation nette des sols. Il ne faut pas que l’on soit empêché d’ouvrir rapidement des usines.
Quel impact les droits de douanes imposés par Donald Trump pourraient-il avoir sur la production française ?
Il y a deux façons de considérer les choses. Pour certains, ces taxes sont l’électrochoc qui va enfin nous faire prendre conscience de la nécessité de consommer français. Mais en parallèle, on voit que certains secteurs vont en souffrir. C’est le cas du luxe pour qui les États-Unis sont le premier marché. On ne peut pas augmenter les prix à l’infini, même dans le luxe. Or, ce secteur s’était engagé depuis plusieurs années dans la réouverture de manufactures en France. Il a aussi fortement investi dans la formation.
Certaines filières sont-elles davantage engagées dans la relocalisation en France?
Du fait du contexte international, il y a une vraie prise de conscience dans des domaines stratégiques comme la défense, l’aéronautique, le nucléaire. On le voit dans nos adhésions. À l’inverse, certaines filières souffrent terriblement. C’est le cas du textile qui est laminé par des produits bas de gamme, achetés en petites quantités et sans droits de douanes en dessous de 150 euros …
On imagine donc que vous êtres pleinement favorable à la proposition de loi anti fast fashion …
Évidemment. Et je suis effaré du cynisme de certains qui disent que ces entreprises soutiennent le pouvoir d’achat des Français modestes. C’est l’inverse ! Elles détruisent des emplois, et notamment les emplois peu qualifiés qu’occupent ces Français modestes.
Avec Origine France, vous défendez une certaine transparence sur la provenance des produits, pour que les consommateurs aient envie et sachent choisir les produits réellement fabriqués en France. Mais qu’en est-il de la commande publique ? S’empare-t-elle de ce sujet ?
La commande publique est un levier important car elle permet de s’engager sur le long terme, sur de gros volumes qui sont nécessaires pour réaliser des économies d’échelle et gagner en compétitivité. Mais, même si les collectivités locales sont un peu plus sensibles à ces enjeux là, nous avons encore un vrai retard en France. On achète des uniformes, des voitures fabriquées loin de chez nous. Même dans la défense et les dépenses d’armement, nous ne sommes pas les plus vertueux. Nous ne récupérons qu’une petite partie de la commande publique quand l’Allemagne en récupère 80 % bien qu’elle fasse partie de l’Union européenne. Elle y parvient grâce à ses appels d’offre qui valorisent le local, avec de la formation des agents… Il y a une vraie volonté politique. Il faudrait en faire autant ici, en s’appuyant sur les nombreux outils à notre disposition, telles que des clauses RSE qui valorisent la production locale.