MiCA, le règlement européen sur les marchés de crypto-actifs, est une avancée décisive pour l’industrie et tous ceux qui veulent proposer leurs services sur le continent. En garantissant un cadre harmonisé à l’échelle de l’Union, il promet aux prestataires un accès simplifié au marché unique, avec des règles identiques pour tous. Son objectif est de protéger les investisseurs et de créer la confiance sur ce nouveau marché.
Mais le risque d’écarts dans le niveau d’exigence des régulateurs européens inquiète les acteurs. L’octroi de l’agrément de prestataire de services sur crypto-actifs (PSCA), indispensable pour exercer cette activité, serait-il plus ou moins facile selon les pays ? Malte ou Chypre ont délivré plusieurs agréments, quand d’autres, dont la France, n’en ont encore attribué aucun. Certains régulateurs ont accordé des agréments avant même que les standards techniques de l’ESMA, l’autorité européenne des marchés financiers, soient tous publiés, sans respecter la procédure de conciliation avec cette dernière, ou avec des « pré-autorisations » qui ne sont pas prévues par les textes !
Est-il concevable d’accepter des écarts significatifs dans la qualité des agréments délivrés ? L’agrément PSCA ne peut être bradé : il apporte les garanties indispensables pour éviter les fraudes. À titre d’exemple, la ségrégation des actifs prévue par MiCA aurait rendu impossible la fraude de FTX dont la faillite avait lésé des milliers de clients.
Dans ce contexte, la France occupe une place particulière car c’est elle qui a inspiré le règlement MiCA en adoptant dès 2019 une réglementation innovante avec la loi PACTE. Et notre autorité de régulation, l’AMF, qui applique des critères exigeants, a une expérience unique de ce secteur. Elle a attribué l’agrément PSAN à 4 acteurs, un agrément comparable à l’agrément PSCA et qui s’en inspire directement. Elle a aussi accepté de « pré-instruire » des agréments MiCA qui devraient aboutir très prochainement.
Ce niveau d’exigence offre une double garantie : d’une part, il renforce la robustesse des acteurs agréés, et d’autre part, il sécurise l’écosystème dans son ensemble. L’entreprise qui dépose un dossier en France fait le choix d’un agrément de qualité, propre à conférer la confiance. Cet aspect réputationnel est essentiel pour le développement d’une activité dans ce monde des crypto-actifs. Les fonds d’investissement ne s’y trompent pas et ils considèrent déjà que la qualité de l’agrément est à prendre en compte pour les levées de fonds des acteurs de la crypto.
Aller chercher l’agrément PSCA dans un autre pays présente un risque majeur, celui de la non-reconnaissance de l’agrément lui-même dans l’ensemble des États membres. Le règlement MiCA prévoit explicitement que les autorités d’un pays d’accueil pourront prendre des mesures conservatoires pouvant faire échec à l’exercice du passeport européen en cas de non-respect de la réglementation. L’ESMA pourrait exiger des mises en conformité a posteriori, mettant en difficulté les acteurs concernés. Elle vient d’ailleurs de lancer une démarche en ce sens auprès de l’autorité de régulation maltaise.
L’approche rigoureuse de la France la positionne comme une juridiction de référence en matière de crypto-actifs. C’est ce que montre le choix du géant américain Circle d’obtenir en France son agrément en qualité d’émetteur de monnaie électronique le 1er juillet 2024, jour de l’entrée en vigueur du règlement MiCA sur les stablecoins. Dans un marché en quête de légitimité, cette approche représente une assurance précieuse pour les acteurs qui souhaitent construire leur activité sur des bases solides. Un agrément fiable aujourd’hui, c’est un passeport européen viable demain et un véritable avantage compétitif.
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(*) Anne Maréchal est associée chez De Gaulle Fleurance Avocats Notaires. Enarque, elle a été directrice juridique de l’Autorité des Marchés financiers (AMF) et y a joué un rôle clé dans l’élaboration des réglementations sur les actifs numériques.
Benjamin Messika occupe le poste de Directeur Juridique et Conformité chez Vancelian. Il a exercé comme avocat au sein du cabinet PwC Société d’Avocats et a été chargé d’enseignement en droit à l’Université Paris Panthéon-Sorbonne.
Anne Maréchal et Benjamin Messika