“Cette loi est la victoire d’une conception idéologique de la parité, déconnectée de la réalité de terrain”

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“Cette loi est la victoire d’une conception idéologique de la parité, déconnectée de la réalité de terrain”




















« Ce changement de règle à proximité immédiate du scrutin va fragiliser considérablement la capacité à constituer des listes dans les communes rurales. »
Quentin Top / HANS LUCAS

Parisianisme vs. ruralité

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En imposant le scrutin de liste aux communes de moins de 1 000 habitants, le gouvernement prétend renforcer la parité, mais risque surtout d’asphyxier la démocratie locale. Une réforme pensée depuis Paris, loin des réalités du terrain, selon le député du Cher, Loïc Kervran (Horizons), et Solène Le Monnier, présidente de l’union nationale des élus locaux, co-auteurs d’une tribune pour « Marianne ».

L’adoption par le Parlement de la généralisation du scrutin de liste aux communes de moins de 1000 habitants est une très mauvaise nouvelle pour la démocratie et pour la ruralité. La place des femmes dans la vie politique locale est encore insuffisante et doit être encouragée. Le problème de cette loi est que l’obligation de liste, va réduire le choix démocratique offert aux ruraux, et fortement influencer la nature même de la composition et du fonctionnement des conseils municipaux de nos petites communes.

Parce que cette loi va compliquer la construction de listes, elle menace nos petites communes dans leur existence. C’est la victoire d’une conception idéologique de la parité sur la défense de la vitalité démocratique municipale, en déconnection totale avec la réalité de terrain.

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Cette réforme est l’incarnation de décisions qui se prennent à Paris en pensant que ce qui marche pour les grandes villes marchera dans les petites communes. Sous couvert cette fois-ci de parité, le gouvernement impose un scrutin de liste dont on se demande en fait, s’il n’a pas pour principal objectif de mettre les petites communes dans l’impossibilité de constituer des conseils municipaux, afin de prouver ainsi leur inadéquation avec la France « moderne ».

Ce parisianisme et cette attaque contre la ruralité, sous couvert de grands principes, est typiquement ce qui exaspère les ruraux. Hier, il s’agissait, sous prétexte d’écologie, d’empêcher la voiture indispensable à la mobilité rurale. Aujourd’hui c’est sous couvert de parité qu’on fragilise les petites communes.

Imposer ce changement des règles électorales à neuf mois de l’élection municipale, se fait d’abord dans le mépris de l’exigence démocratique, qui vise à s’interdire de toucher aux règles électorales dans l’année précédent un scrutin. Avec le délai de consultation du conseil constitutionnel et de publication des décrets d’une part, l’ampleur du nombre de communes concernées d’autre part, aucune appropriation des nouvelles règles ne sera réellement possible, ni par les candidats ni par les électeurs.

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Et ce, d’autant plus que le changement opéré par le texte de loi, n’est pas simplement technique, il est fondamental, et bouleverse le mode de désignation. C’est la fin du scrutin plurinominal et son remplacement par la proportionnelle. Mais, comme pour les élections législatives, couper le lien direct entre les électeurs, un territoire, et les élus, ne peut qu’affaiblir la représentativité.

L’exigence démocratique impliquerait de pouvoir largement communiquer ce changement complet aux millions d’électeurs concernés, pour leur permettre d’exercer leur droit de manière éclairée, et pour éviter par exemple l’annulation massive de bulletins. Chacun comprendra que le temps très court jusqu’à élection fait de cette exigence une gageure.

Réduction du choix démocratique

Au-delà des électeurs, l’impact va être maximal sur les candidats. Ce changement de règle à proximité immédiate du scrutin va fragiliser considérablement la capacité à constituer des listes dans les communes rurales. Elle va signifier que nombre de conseillers sortants ne pourront pas se représenter alors même que la France fait face à une crise des vocations.

Parce qu’ils sont hommes (le plus souvent) mais aussi dans un nombre non négligeable de communes parce qu’elles sont femmes, la parité stricte les exclura et leur interdira de pouvoir s’engager dans leur commune. Dans les plus petites de nos communes, celles de 30, 50, 80 habitants, la parité stricte sera un casse-tête.

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Enfin, cette loi va considérablement réduire le choix démocratique des ruraux. Là où très souvent des candidatures individuelles ou des listes très incomplètes permettaient une vraie vitalité démocratique, la liste rendue obligatoire va affaiblir la pluralité. La première conséquence de cette loi, si elle était validée par le Conseil constitutionnel, serait que là où nous avions de multiples candidatures, il n’y aurait plus qu’une liste unique pour le prochain scrutin municipal. On peut parier que la liste unique favorisera l’abstention alors même que les élections municipales faisaient jusque-là partie de celles qui mobilisaient les citoyens.

Ce texte est très concrètement un frein à l’engagement dans la vie de sa commune. Elle aura aussi des conséquences que l’on ne mesure pas encore sur le fonctionnement des conseils municipaux. En effet, le panachage, les candidatures individuelles, ou en listes très incomplètes, obligeaient, après l’élection, à une gestion transpartisane des affaires. C’est aussi la fin du pluralisme et d’une gestion non partisane qui s’annonce avec ce texte de loi préparé sans concertation avec les élus municipaux ruraux comme s’il n’y avait que des maires dans les conseils municipaux.


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