Il ferait meilleur vivre à Angers qu’à Roubaix, mais encore ? Derrière ces classements des « villes où il fait bon vivre », une idéologie discrète mais redoutable : celle qui oppose une France « qui compte » à celle « qui ne compte pas ». Une géographie de la domination sociale, dont les élites médiatiques, politiques et culturelles sont complices, pour notre chroniqueur Christophe Guilluy.
Vous connaissez certainement ces classements des villages ou des villes « où il fait bon vivre ». De nombreux hebdomadaires – heureusement, pas celui-ci – sont friands de ces baromètres qui classent les lieux de vie comme s’il s’agissait de marchandises. Les économistes, les géographes et, malheureusement, les politiques – surtout quand ils peuvent mettre à leur crédit les réussites inédites de leur « territoire » – adorent ces grilles de lecture qui permettent de modéliser les existences comme le font les agences de marketing. Quelques indicateurs économiques, sociaux et culturels saisis dans un tableur Excel, par exemple le dynamisme démographique, la connectivité, la création d’emplois, le niveau de transition écologique, la présence d’une ligne à grande vitesse, la fiscalité, et hop, on mouline et, quelques secondes plus tard, les cartes et les représentations apparaissent !