À 14 heures s’ouvre l’assemblée générale du géant automobile Stellantis, avec en ligne de mire la très controversée résolution sur la rémunération de son ex-directeur général Carlos Tavares, démissionnaire depuis le 1er décembre 2024.
Poussé vers la sortie en décembre dernier, à un an de la fin de son contrat, Carlos Tavares coûte encore très cher au géant automobile (qui regroupe une quinzaine de marques, dont Peugeot, Fiat, Opel et Chrysler). Stellantis doit, en effet, verser à son ancien dirigeant la somme de 12 millions d’euros d’indemnités de départ et de prime d’objectifs.
Un montant qui soulève la critique des actionnaires et qui sera voté, à titre consultatif, ce mardi 15 avril lors de l’assemblée générale de Stellantis, au siège de l’entreprise à Amsterdam, aux Pays-Bas.
En détail, cette somme de 12 millions d’euros se décompose en deux volets. Une indemnité fixe de départ de 2 millions d’euros, conforme à la législation néerlandaise, puisque le siège social de Stellantis est situé à Amsterdam. À cela s’ajoute une prime d’objectifs de « 10 millions d’euros au titre d’un bonus dans l’atteinte d’une étape de transformation de l’entreprise », concernant notamment l’électrification des gammes de véhicules, d’après le rapport annuel du groupe. Une somme exceptionnellement élevée versée à l’ancien dirigeant du constructeur automobile.
Un licenciement en or
Après des premières années marquées par des profits records, le groupe Stellantis a vécu une très mauvaise année 2024, freiné notamment par des difficultés en Amérique du Nord. Le bénéfice net du groupe a chuté de 70 %, à 5,5 milliards d’euros, et Carlos Tavares a été contraint à la démission par son conseil d’administration.
Cette décision est intervenue en décembre 2024, soit un an avant la fin de son contrat. Il devrait ainsi toucher, pour 2024, l’équivalent de douze mois de salaire pour seulement onze mois travaillés. Pour Charles Pinel, le directeur général de la société de conseil aux investisseurs Proxinvest, « cette décision est, sur le principe, regrettable ». « La rémunération fixe de 2 millions d’euros aurait dû être proratisée à 11 mois, et non 12 », ajoute-t-il.
Au-delà de cette proratisation de l’indemnité de départ, pour le directeur général de Proxinvest « lorsqu’on démissionne, on ne touche pas d’indemnités ». Le « signal n’est donc pas très bon » et « l’explication avancée par Stellantis d’un respect de la législation néerlandaise se révèle peu convaincante », pour le directeur général de la société de conseil aux investisseurs.
Syndicats et actionnaires vent debout
Considéré comme trop élevé par les syndicats, qui dénoncent des « adieux indécents » (CFDT Stellantis), le chèque de départ pour services rendus est aussi jugé trop important par Allianz Global Investors, actionnaire à hauteur de 1 % du groupe automobile.
Dans un communiqué cité par Le Monde, le gestionnaire d’actifs juge cette « enveloppe excessivement généreuse, compte tenu notamment des performances opérationnelles médiocres et des raisons avancées pour justifier sa démission ». La société de gestion Allianz Global Investors a indiqué, mardi 8 avril, qu’elle voterait contre la rémunération de Carlos Tavares lors de l’assemblée générale du constructeur automobile.
Une politique « astronomique » de rémunération des dirigeants
Les actionnaires du groupe doivent également voter aujourd’hui, à titre consultatif, sur la politique globale de rémunération des dirigeants du groupe. Ils l’avaient contestée à 52 % en 2022, à 48 % en 2023, et à 30 % en 2024, sans que cela ne perturbe le versement prévu par le conseil d’administration.
L’une des plus élevées dans l’industrie automobile, la rémunération du patron de Stellantis a souvent fait l’objet de polémiques en France. En 2022, Emmanuel Macron avait jugé « choquant et excessif » le montant « astronomique » de la rétribution de l’ex-dirigeant du groupe.
En 2024, la rémunération de Carlos Tavares atteignait 23,1 millions d’euros. Soit l’équivalent de 350 fois le salaire moyen des 259 000 salariés de Stellantis à travers le monde (65 993 euros).
Pour Proxinvest, cette politique de rémunération des dirigeants par le groupe automobile prend sa source dans « une pratique de rémunération très “à l’américaine” » et largement décomplexée vis-à-vis de l’écart de rémunération entre les salariés et les dirigeants.
Le directeur de la société de conseil aux investisseurs s’interroge : « Il s’agit certes d’un moyen pour attirer de grands patrons étrangers, mais peut-on se payer un bon dirigeant sans avoir à débourser des sommes faramineuses ? ». La question reste ouverte à l’heure où le groupe automobile cherche toujours un successeur à Carlos Tavares.
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Valentine Roux