[Article publié le 14 février 2025 à 13 h 47 et mis à jour le 15 avril 2025 à 12 h 26] « Le chiffre de 3 % n’est pas un chiffre au doigt mouillé, 3 % c’est le seuil au-delà duquel la charge de la dette n’augmente plus, c’est un seuil d’indépendance », a assuré François Bayrou, ce mardi. Alors qu’il s’exprimait lors d’une conférence de presse consacrée au budget 2026, le Premier ministre est revenu sur le déficit maximum que les États européens ne doivent pas dépasser : le fameux seuil des 3 %.
Tous les pays de la zone euro sont, en effet, contraints de respecter le Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Ce dernier limite le déficit public des États à 3 % de leur PIB, sauf circonstances exceptionnelles. Adopté en 1997, l’objectif du PSC est de « coordonner les politiques budgétaires des États membres » et « d’éviter l’apparition de déficits budgétaires excessifs », note vie-publique.fr. Mais d’où vient ce chiffre ?
Une origine française
Ce taux a été concocté à l’origine par trois hauts fonctionnaires français sous la présidence de François Mitterrand en 1981. Ce dernier cherche alors à éviter une hausse de la dette publique en France où les dépenses explosent. L’économiste Guy Abeille était à l’époque chargé de mission au ministère des Finances au début de l’ère Mitterrand. En 2010, il racontait l’origine de ce seuil dans les colonnes de La Tribune : « Nous regardons quelle est la plus récente prévision de PIB projetée par l’INSEE pour 1982. Nous faisons entrer dans notre calculette le spectre des 100 milliards de déficit qui bouge sur notre bureau pour le budget en préparation. Le rapport des deux n’est pas loin de donner 3 % ». La règle était née.
Dans les années 1990, l’Allemagne souhaite imposer un plafond de déficit aux États membres, afin de ne pas être contraint de payer pour les autres. L’UE s’inspire donc de ces fameux 3 %, venus de France, et qui serviront également par la suite de base de calcul pour imposer le seuil des 60 % de dette publique. « Puis un jour le traité de Maastricht parut sur le métier. Ce 3 %, on l’avait sous la main, c’est une commodité […]. Il passe donc à l’Europe ; et de là, pour un peu, il s’étendrait au monde », complète Guy Abeille. Avant d’ajouter : « Sans aucun contenu, et fruit des circonstances, d’un calcul à la demande monté faute de mieux un soir dans un bureau, le voilà paradigme ».
Procédures de déficit excessif
Les membres de la zone euro doivent ainsi présenter, chaque année, leurs objectifs budgétaires à moyen terme pour prévenir tout dérapage. Si un État sort des clous fixés par le PSC, c’est-à-dire un déficit dépassant les 3 % du PIB, la procédure des déficits excessifs s’enclenche. C’est ainsi que la France et six autres pays européens (l’Italie, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et Malte) ont été placés en procédure de déficit excessif en 2024 et ont été sommés de faire de lourds efforts pour redresser leurs finances.
Si le pays ne résout pas son déficit excessif dans le temps imparti, des sanctions peuvent aller jusqu’à une amende de 0,2 à 0,5 % du PIB de l’État concerné. Dans les faits, aucun pays n’a été sanctionné jusqu’ici. La France est d’ailleurs une habituée de cette procédure pour déficit excessif puisqu’elle a dépassé le seuil des 3 % de 2007 à 2017.
Une réforme qui reste stricte
Outre la France, d’autres pays jugent que les règles du PSC sont à revoir, notamment les pays les plus endettés comme l’Espagne ou l’Italie. Mais huit pays, Autriche, Danemark, Lettonie, Slovaquie, République tchèque, Finlande, Pays-Bas et Suède, ont, eux, appelé en 2021 à « rétablir la viabilité budgétaire » des membres, rapporte le site toutel’europe.eu.
De son côté, l’Allemagne, pourtant attachée à un sérieux budgétaire, avait appelé, en 2004, avec la France à assouplir le seuil de 3 % de déficit et de 60 % pour la dette. L’année suivante, un dépassement était alors toléré en cas de réformes ou d’investissements importants. Les seuils ont également été suspendus à titre exceptionnel pendant la crise du Covid en 2020 jusqu’à fin 2023, les États devant faire face à des dépenses importantes. Plus récemment, le PSC a subi une autre réforme mise en place en 2024. Si le seuil de 3 % fait toujours figure de référence, les trajectoires budgétaires sont adaptées à chaque pays qui a désormais plus de temps pour respecter les règles. D’autres dispositifs permettent également d’encourager les investissements.
Courant février, dans un entretien pour le Financial Times, Emmanuel Macron a fustigé ce « cadre financier et monétaire » qui s’applique aux pays européens. « L’Europe, c’est son moment d’accélération et d’exécution. Parce qu’il n’y a plus le choix. Parce que c’est le dernier péage. Après, c’est la sortie d’autoroute », a-t-il insisté. Le président a plaidé une fois de plus pour que l’Union européenne se dote de solutions de financement « innovantes », par exemple avec de nouveaux emprunts communs comme durant la pandémie de Covid-19. Objectif ? Investir dans la défense, l’intelligence artificielle ou la transition énergétique.
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