Les semi-conducteurs trinquent dans la guerre commerciale lancée par Donald Trump. Le géant américain des puces, Nvidia, a dévissé de plus de 6 % à la clôture des marchés mercredi après avoir perdu plus de 10 % au cours de la journée. L’entreprise avait annoncé la veille que ses résultats du premier trimestre (s’étalant de février à avril), allaient inclure 5,5 milliards de dollars de charges exceptionnelles.
Les entreprises du secteur sont bousculées après que l’administration Trump a décidé qu’elles doivent désormais avoir une licence pour exporter certaines puces vers la Chine et d’autres pays. Le groupe AMD s’attend à ce que ces contrôles supplémentaires lui coûtent jusqu’à 800 millions de dollars. AMD a perdu également 7,35 % à la clôture de la Bouse de New York.
Déjà sous Joe Biden, et maintenant sous Trump, les États-Unis ont restreint leurs exportations de puce vers la Chine pour garder leur avance dans la course. Ils veulent éviter le développement de technologie d’IA ou de superordinateurs dans le pays alors que Pékin accuse un retard dans la technologie des semi-conducteurs.
✍Objectif : produire aux États-Unis
Si la plupart des puces sont conçues aux États-Unis avec des entreprises comme Nvidia, Apple, Qualcomm ou encore Broadcom, leur fabrication se fait principalement en Asie. L’une des plus importantes fonderies de semi-conducteurs se trouve ainsi en Chine avec le géant chinois Semiconductor Manufacturing International Corporation. Le pays a également un rôle important d’assemblage, et exporte des matériaux et des composants nécessaires à la fabrication des puces.
Les États-Unis souhaitent devenir également autonomes dans la fabrication des puces. Pour motiver les entreprises à implanter leur production dans le pays, Joe Biden avait mis en place en 2022 un plan d’investissement : le Chips Act. Ce dernier offre d’importantes subventions aux entreprises qui viennent construire des usines de semi-conducteurs sur le territoire américain.
Début mars, le taïwanais TSMC, leader dans le secteur, a annoncé un investissement de 100 milliards de dollars aux États-Unis. L’entreprise était déjà en train d’investir 65 milliards de dollars pour construire trois usines en Arizona.
📰 Pour en savoir plus sur cet investissement : Semi-conducteurs : TSMC investit 100 milliards aux Etats-Unis
✍Autre stratégie : les droits de douane
Mais pour Donald Trump, le Chips Act n’est pas suffisant. Pour inciter encore plus les entreprises à produire sur le territoire américain, il compte sur son arme favorite : les droits de douane. Ces derniers doivent rendre la production en Asie beaucoup plus cher.
Si lors de ses dernières annonces le 2 avril il a épargné les semi-conducteurs, il est revenu à la charge sur le secteur fin de semaine dernière. Le locataire de la Maison-Blanche a ainsi promis des taxes sur les puces importées aux États-Unis. « Les droits de douane seront en place dans un avenir pas trop lointain », a-t-il précisé dimanche.
📰 Notre dernier décryptage : Surtaxes Trump sur les puces : les pays qui pourraient être touchés
✍Un pari risqué…
Mais cette stratégie comporte des risques. Arriver à atteindre les capacités de production du géant taïwanais TSMC par exemple, va prendre énormément de temps. Par ailleurs, des droits de douane sur les puces risques de déstabiliser les chaînes de valeur, qui sont très fragmentés dans le cas des semi-conducteurs, et les États-Unis risquent ainsi d’en payer également le prix.
Autre argument : l’arrivée de l’intelligence artificielle chinoise DeepSeek pourrait rebattre les cartes. Cette IA a nécessité très peu de puces pour sa création. Néanmoins, l’administration a récemment soupçonné la Chine d’avoir eu accès illégalement à des puces de Nvidia, notamment via la Malaisie ou encore Singapour.
✍…mais qui exerce une véritable pression
Il n’empêche, avec ses menaces de droits de douane, Donald Trump a réussi à exercer de vrais moyens de pression. Pour échapper aux droits de douane, TSMC a accepté début avril de prendre 20 % dans le capital d’une coentreprise avec son concurrent américain Intel. Et ce, en plus de ses précédents investissements.
L’américain Intel, qui produit également des semi-conducteurs, est en difficulté. L’apport de connaissance de TSMC devrait lui permettre de rattraper son retard, notamment sur les puces adaptées à l’IA. Le taïwanais va partager certains procédés technologiques, mais va tout de même conserver pour elle ses secrets de fabrication.
📰 Notre décryptage : Semi-conducteurs : les vraies raisons de la co-entreprise Intel-TSMC
En attendant, TSMC a annoncé ce jeudi un bon de sa rentabilité au premier trimestre de plus de 60 % pour atteindre 11,1 milliards de dollars. L’entreprise a tout de même précisé que les droits de douane américains n’ont pas changé le comportement de ses clients.
À lire également