En 2024, pour la première fois depuis l’ère post-Covid, les ventes d’articles de luxe ont reculé. L’industrie subit de plein fouet le net repli des marchés asiatiques et la forte contraction du nombre de clients, pour beaucoup issus des classes moyennes. À l’exception de l’ultra-luxe, de l’horlogerie et de la joaillerie qui progressent chez certaines marques et du marché de la cosmétique – beauté, en net développement sous l’impulsion de la génération Z, tous les produits sont concernés : prêt-à-porter, maroquinerie, accessoires, vins et spiritueux.
Au cours de ces dernières années, dans une course effrénée pour gagner des parts de marché dans un contexte de croissance annuelle extrêmement dynamique, les grands acteurs du luxe ont multiplié les acquisitions et augmenté leurs investissements. Mais dans ce contexte nouveau de baisse des volumes, ils ne pourront pas échapper à un exercice de rationalisation de leurs coûts et d’optimisation de leurs dépenses et de leurs frais généraux, sans obérer leur capacité à répondre à une reprise du marché, vraisemblablement à partir du second semestre de cette année. Comment concilier rationalisation des coûts et maintien de l’excellence de l’offre ? Plusieurs axes de travail sont à explorer sur trois niveaux de la chaine de valeur : les achats, la chaine logistique et la fabrication.
Les priorités des stratégies d’achats devraient aller vers une rationalisation du sourcing dans une approche de type « budget base zéro « (BBZ) et la mise en place de centres de services d’achats partagés communs à plusieurs marques, par exemple dans le domaine des métaux précieux, tout en préservant leur autonomie pour les achats qui leur sont propres. Concernant la chaine logistique, il faut profiter de la baisse des volumes pour ajuster les stocks, raccourcir les délais, améliorer la performance globale de la chaine, regrouper dans des plateformes centrales la gestion des stocks et des commandes dans le sens de la mutualisation.
Enfin, dans le domaine de la fabrication, c’est le moment ou jamais d’ajuster les capacités de production et de gagner en performance. À moyen terme, il faut probablement que les acteurs du luxe revoient en profondeur leur modèle pour passer du « 100 % à façon » à une production en partie de « produits finis » avec une montée en compétences de certains fournisseurs pour qu’ils prennent en charge l’ensemble de la chaine de valeur (approvisionnement, contrôle qualité aval et amont, fabrication et expédition d’articles ou de produits semi-finis). En outre, pour faire face à l’accélération du rythme des collections, il est indispensable de déployer des processus de développement et d’industrialisation des nouveaux produits selon les meilleurs standards « best-in-class », avec une définition claire des rôles et responsabilités des différents acteurs.
Les prochains mois doivent donc être considérés comme une période de transition permettant aux maisons du luxe de se concentrer sur leur transformation et celles de leurs façonniers. Leur défi est de se mettre en position de répondre durablement et de façon rentable à la reprise prévisible du marché alors que la contraction de leur résultat en 2024 les oblige à une plus grande sélectivité dans les projets en favorisant ceux qui peuvent avoir un impact significatif sur leurs coûts, sans sacrifier leurs savoir-faire, élément fondamental de leur réputation et de leur proposition de valeur.
Olivier Loth et Guillaume des Rotours