Le manuel de riposte de “Marianne” : non Agnès, il n’est pas urgent de réduire la dette publique française

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Le manuel de riposte de “Marianne” : non Agnès, il n’est pas urgent de réduire la dette publique française





















« La charge de la dette est cette année de 62 milliards, c’est-à-dire d’ores et déjà similaire au montant des crédits consacrés à notre défense », s’alarmait François Bayrou lors de sa « conférence sur les finances publiques » du 15 avril.
Julien Mattia / Le Pictorium

Personnage inspiré de faits réels

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Pour certains, la France vivrait « au-dessus de ses moyens », serait « au bord de la faillite » ou en train de « plomber ses services publics ». Face à ces inquiétudes excessives autour de la dette publique, « Marianne » vous donne quelques raisons de garder son calme.

« Mais comment pourra-t-on rembourser tout ça ? » Votre belle-sœur Agnès a la boule au ventre en songeant à la montagne de dette publique française, qui atteint désormais 3 300 milliards d’euros, soit 113% de notre production annuelle de richesse (PIB). Vous pourrez la rassurer lors de votre prochain repas de famille : l’État règle ses crédits rubis sur l’ongle, en moyenne 8 ans et demi après les avoir souscrits selon les documents budgétaires. Avec cette subtilité que l’administration réemprunte en parallèle les mêmes sommes, faisant ainsi « rouler la dette » pour éviter un mur de remboursements. Et ce tour de passe-passe pourrait durer indéfiniment, la puissance publique étant par nature immortelle. Une fois posé ce cadre, d’autres constats relativisent l’urgence de réduire notre passif.

« La France vit au-dessus de ses moyens »

Certes, les dépenses de l’État dépassent ses recettes, pour un déficit de 5,8% du PIB en 2024. Mais les comptes de la nation ne se limitent pas à la seule sphère publique. Or les ménages dépensent quant à eux moins qu’ils ne gagnent, pour un surplus annuel de 5,9% du PIB, selon nos calculs fondés sur les dernières données de l’Insee. En ajoutant le léger déficit des entreprises (1,1% du PIB) à ce flux de transactions, la balance courante de l’économie française approchait l’équilibre en 2024. « Lorsque ce solde est négatif, cela veut dire que le pays s’endette vis-à-vis du reste du monde, et devra faire des efforts à l’avenir pour rembourser ses emprunts, explique Vincent Vicard, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii). La France a souvent enregistré un déficit sur la période récente, mais qui restait limité et tout à fait soutenable ».

« Nous sommes au bord de la faillite »

Le même exercice peut s’appliquer au stock de notre patrimoine financier. Comme déjà évoqué, l’État est sur ce plan nettement dans le rouge. Au demeurant, le chiffre de la dette publique néglige ses actifs (notamment des actions d’entreprises) : prendre en compte ces détentions comble une partie du fossé, pour le ramener à -71% du PIB, selon nos calculs basés sur les données de l’Insee. Surtout, les ménages sont là encore dans le positif, puisqu’ils possèdent un magot représentant 167% du PIB. En ajoutant la dette des entreprises (de 114% du PIB), le patrimoine financier national est certes négatif, mais « seulement » à hauteur de 14,5% du PIB.

Qui plus est, ce trou dans les caisses n’obère guère notre train de vie. En effet, les frais financiers (dividendes, intérêts…) que nous payons aux autres pays sont malgré tout… inférieurs à ceux qui nous sont versés. Au total, ces revenus ont abondé nos comptés à hauteur de 1,1% du PIB en 2023, selon la Banque de France. Comment expliquer ce paradoxe ? « Nos actifs à l’étranger se composent entre autres des possessions de nos multinationales, qui dégagent des profits conséquents. Tandis que notre passif intègre notamment la dette publique française, sur laquelle les intérêts sont plus faibles. L’un dans l’autre, cela aboutit à un solde positif sur ces revenus d’investissement », expose Vincent Vicard.

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« Le coût des intérêts plombe les services publics »

Reste que le poids du passif de l’État pourrait entraver son action, comme s’en inquiètent certains responsables politiques. « La charge de la dette, c’est-à-dire l’ensemble des dépenses (…) consacrées au paiement des intérêts, est cette année de 62 milliards, c’est-à-dire d’ores et déjà similaire au montant des crédits consacrés à notre défense », alertait François Bayrou lors de sa « conférence sur les finances publiques » du 15 avril. Pour bien apprécier cette charge, il est toutefois préférable de la rapporter au PIB, c’est-à-dire aux revenus dégagés par notre production, qui permettent de s’en acquitter d’année en année. En 2025, les administrations devraient payer des intérêts de 2,2% du PIB selon le gouvernement, soit à peu près autant qu’en 2014.

De quoi alourdir d’autant le stock de dette publique. Mais dans le même temps, d’autres rouages allègent mécaniquement ce fardeau. Notamment la croissance et l’inflation, qui tirent notre PIB vers le haut d’année en année. À l’inverse, les sommes empruntées restent pour l’essentiel figées, n’étant pas revalorisées jusqu’à leur remboursement. Résultat : en 2025, la hausse des prix et de la production devrait raboter la dette de 2,4% du PIB. Une fois cet effet cumulé avec celui des intérêts, stabiliser notre passif ne nécessite finalement pas d’effort particulier : à l’heure actuelle, il « suffit » pour cela d’équilibrer nos recettes et nos dépenses (hors celles consacrées aux intérêts). L’État en est toutefois loin, puisque ce solde « primaire » sera nettement dans le rouge cette année (-3,1% du PIB selon l’exécutif).

À LIRE AUSSI : François Geerolf : “La charge d’intérêt sur la dette publique, ou le mythe du gouffre financier”

Toujours est-il que « la stabilisation de la dette à son niveau actuel ne devrait pas être la priorité des priorités, affirmait François Geerolf, chercheur à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), auprès de Marianne en novembre. Le coût de nos emprunts devrait rester assez bas pour nous éviter un effet boule de neige qui rendrait notre passif incontrôlable ». D’autres économistes estiment qu’une nouvelle hausse de la dette pourrait enclencher un cercle vicieux, alors que le taux réclamé à l’État a déjà bondi depuis la dissolution de l’Assemblée nationale. « Si on laisse filer l’endettement au-delà de 125 % du PIB, le risque est que nos taux d’intérêt flambent par rapport à ceux des autres pays, en particulier en cas de crise économique mondiale », prévenait dans ce même entretien Thomas Philippon, professeur à l’université de New York. Il appelle donc à redresser nos comptes sans tarder… mais sans pour autant se précipiter.


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