On fustige le voyageur en bermuda, qui envahit les plages de Phuket ou s’agglutine au pied de la tour Eiffel, désormais calfeutrée derrière du « verre pare-balle ». Pollution, montée des prix, embouteillages : on l’accuse, à juste titre, de ravager la beauté du monde et de casser les pieds des riverains. Mais c’est passer un peu vite sur les dégâts d’un « tourisme d’élite » pratiqué par les gagnants de la nouvelle économie.
En 2025, deux milliards d’individus voyageront à l’international, chiffre impressionnant qui doit autant au développement économique qu’au vieillissement de la population (celle qui a du temps et de l’argent). Mais quand on pense à ce tourisme dit de masse, on voit des hordes de prolos mal embouchés, portant maillot de foot et casquette, qui déferlent sur les calanques de Marseille ou la Fontaine de Trevi (les deux étant désormais soumises à réservation).
À LIRE AUSSI : Netflix, TikTok, Instagram, Google… Surtourisme : à qui la faute ?
En réalité, la démocratisation des voyages est loin d’être acquise (40% des Français ne partent pas en vacances). Si l’on en croit le géographe Rémy Knafou, auteur de Réinventer (vraiment) le tourisme (Editions du Faubourg), dénoncer les dégâts du « surtourisme » est une façon pratique d’exprimer un certain mépris de classe. Cela permet surtout de vendre un « tourisme de distinction », tout aussi nocif en termes de dégâts sur l’environnement, d’impact déséquilibrant sur les économies locales ou d’exploitation d’un personnel exotique honteusement corvéable. Une forme de néocolonialisme, barbouillé de bien-pensance culturelle ou humanitaire, particulièrement destructeur pour les pays pauvres, ou en voie de déclin (comme la France).