Wero, la solution de paiement instantané portée par l’European Payments Initiative (EPI) et ses seize actionnaires, fait face à une adoption limitée malgré une base de plus de 40 millions d’utilisateurs revendiqués.
Le projet, initialement ambitieux, a été freiné par de nombreux obstacles, notamment la défection de plusieurs actionnaires — en particulier des banques espagnoles qui développent leur propre solution concurrente, EuroPA — ainsi que des retards de lancement et des difficultés à fédérer l’ensemble des acteurs européens du paiement. Le nombre d’actionnaires est ainsi passé de plus de 30 à 16. Malgré ces défis, Wero permet déjà d’envoyer et de recevoir de l’argent instantanément via un numéro de téléphone, un QR code ou une adresse e-mail, mais son décollage reste timide, notamment en Allemagne où l’adoption demeure faible.
Dans une tribune, EPI et ses actionnaires appellent à l’union des forces des acteurs européens du paiement pour renforcer la souveraineté du continent : « L’Europe doit trouver sa voie vers la souveraineté et l’indépendance dans les paiements. Ce n’est plus un projet pour l’avenir mais une nécessité à laquelle tous les pays d’Europe sont confrontés. »
EPI affirme vouloir « répondre à ce défi par une solution de paiement instantané, unique et paneuropéenne, capable à terme de couvrir tous les usages dont les consommateurs et professionnels ont besoin ». L’initiative met en avant la nécessité de « travailler ensemble à une solution viable qui rendra cette indépendance des paiements européens pleinement possible ». EPI se dit « prête à coopérer étroitement avec tous les réseaux locaux de paiement numérique représentatifs en Europe pour mettre en place une interopérabilité efficace », afin de garantir que « les consommateurs européens puissent payer partout en Europe ».
D’ici trois à quatre ans, Wero a l’ambition de devenir un portefeuille de paiement européen unique, couvrant tous les usages (P2P, e-commerce, point de vente, fidélisation, multi-comptes et multi-devises), tout en assurant la confidentialité et la sécurité des données selon les standards européens, avec l’objectif de proposer une alternative crédible et compétitive face aux géants internationaux.
Les historiques
Lancé en juillet dernier en Allemagne puis en septembre en France, Wero a d’abord cherché à remplacer le paiement ou remboursement de petites sommes entre particuliers, et donc à concurrencer les espèces et les chèques. Mais la part de marché est compliquée à prendre dans des pays où le nombre d’adhérents à EPI est faible et la culture du cash importante. Après neuf mois, l’Allemagne ne représente par exemple que 5 % des volumes de Wero, selon le directeur général adjoint du Crédit Agricole SA Jean-Paul Mazoyer.
Le champ d’action de Wero, amené à s’ouvrir aux paiements sur Internet à partir de l’été 2025, fera de l’ombre à un autre outil des banques françaises : les paiements par carte opérés par le groupement d’intérêt économique (GIE) Cartes bancaires (CB).
Initialement présent dans le projet Wero puis victime d’une réduction de voilure de ce dernier, CB cherche à conserver sa position en France et avance comme Wero la carte de la souveraineté face aux concurrents américains.
Les américains
Les deux géants américains du paiement, Visa et Mastercard, disposent d’une part de marché historique en Europe, notamment dans les pays ne disposant pas de leur propre système de carte domestique.
EPI se présente mardi comme « un concurrent de poids face aux solutions et aux schémas cartes internationales » mais sa solution de paiement n’est pour le moment pas comparable avec les services proposés par Visa et Mastercard.
EPI avait d’ailleurs été envisagé au départ comme un concurrent direct de ces derniers mais l’ambition avait largement été revue à la baisse début 2022 avec l’abandon du projet de carte physique.
L’essor de solutions venues aussi d’outre-Atlantique et développées par les géants de la tech, comme Apple Pay ou Google Pay, sont également des concurrents directs pour Wero.
EuroPA
Wero a vu naître de l’autre côté des Pyrénées et des Alpes un concurrent de taille, à même de freiner ses ambitions européennes : EuroPA, pour European payments alliance, au nom donc très proche d’European payments initiative.
Il s’agit du rapprochement des systèmes de paiements locaux Bancomat, Bizum, MB Way/Sibs, permettant aux portugais, espagnols, italiens et andorrans d’envoyer et de recevoir instantanément de l’argent via leurs numéros de téléphone mobile, avant d’autres développements.
Ce partenariat « devrait s’étendre à d’autres pays dans la zone euro et au-delà », a annoncé le consortium le 31 mars. Plus de 50 millions de personnes devraient être connectés à ce service au mois de juin, davantage que les « plus de 40 millions » avancés mardi par EPI, essentiellement constitués de Français.
Les banques espagnoles comme Santander, BBVA et CaixaBank faisaient initialement du consortium EPI avant de s’en retirer au tournant de l’année 2022.
L’euro numérique
L’euro numérique, version dématérialisée des pièces et des billets soutenue par la Banque centrale européenne (BCE), est le plus lointain mais pas le moins dangereux concurrent pour Wero.
Après une phase d’investigation entre octobre 2021 et octobre 2023, l’euro numérique de détail est entré dans une phase « préparatoire » avant un déploiement envisagé entre 2028 et 2030.
L’euro numérique permettra les transferts d’argent entre particuliers ainsi que les paiements par téléphone et par carte chez les commerçants et en ligne.
Le besoin de « souveraineté européenne » avancé par les banques françaises mardi, via la tribune des actionnaires d’EPI, ne s’applique généralement pas à ce projet, qu’elles écornent régulièrement.
(Avec agences)
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