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Nécro-films
Par Valentine Daru
et Antoine Margueritte
Publié le
Les films et séries sur François et ses prédécesseurs se sont multipliés dans la dernière décennie. Il y a du très bon, et pas mal de mauvais, entre souverains poncifs et vraies grandes œuvres.
2000 ans après Jésus, ça marche encore. Si la Bible est moins présente dans nos quotidiens d’amateurs d’arts, les films et séries sur la religion romaine et ses dirigeants ont envahi les salles obscures et les plateformes de vidéos à la demande. Sitôt la mort du Pape François annoncée par le Saint-Siège, le géant du film en streaming Prime Vidéo (plateforme d’Amazon) a annoncé que le film Conclave (2024) allait être disponible dans les heures qui suivent. Alliance géniale du marketing et de l’opportunisme. C’est une nouvelle occasion de constater que dans la fiction, le Pape a le vent en poupe. Si le sujet nous a donné des œuvres un peu bas de plafond qui enchaînent les poncifs, le genre a aussi donné naissance à de vraies grandes œuvres.
7. Entrevue de Napoléon et du pape
Ce n’est pas le plus sympa, ce n’est pas le plus beau, mais une chose est sûre, c’est le plus vieux. On peut difficilement faire moins contemporain : Entrevue de Napoléon et du Pape. Dès le titre, ça sent la poussière et on se doute bien que Netflix ne va pas en faire une adaptation avec Zendaya et Robert Pattinson. Pour cause, le film est « sorti », façon de parler, en 1897, soit deux ans après l’invention du cinématographe. L’avantage est qu’on ne risque pas de trop s’ennuyer avant la fin : le très court métrage, réalisé par Georges Hatot et Gaston Breteau, dure 49 secondes, générique compris.
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Et son scénario tient en une phrase de résumé sur les sites de la Cinémathèque française et de l’Institut Lumière qui l’ont restauré : « Napoléon, furieux de voir le pape opposer un refus formel à sa demande, malgré ses prières et ses menaces, jette avec colère le papier qu’il voulait lui faire signer et sort de la pièce. » Une belle aventure cinématographique pour toute la famille à retrouver sur la plateforme de la Cinémathèque française.
6. Anges et Démons
Imaginez le bazar : le Pape vient de casser sa pipe, le conclave doit se réunir pour choisir son successeur et les quatre favoris sont pris en otages par les Illuminatis, la société secrète ennemie du Saint-Siège, qui menace d’en tuer un toutes les heures et de faire exploser une bombe surpuissante au beau milieu du Vatican ! Bref, du gros rouge qui tache l’écran, réalisé par Ron Howard.
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Un film un poil lourdaud tiré d’un best-seller qui, dès le titre, ne l’est pas beaucoup moins : Anges et Démons (2009). L’auteur du livre est lui-même plus ou moins un pape du roman de gare, puisque depuis la sortie de Da Vinci Code – lui aussi adapté au cinéma, avec Tom Hanks également dans le premier rôle –, l’américain a déjà vendu plus de 200 millions d’ouvrages. Globalement, on passe un bon moment si on préfère les petites théories du complot que le grand cinéma.
5. Borgia (2011-2014)
Un synopsis qui se suffit à lui-même, tant la famille Borgia continue de fasciner. Sur trois saisons, la série de Tom Fontana propose de plonger dans l’intimité de l’une des plus puissantes familles italiennes, dirigée d’une main de fer par le cardinal espagnol Rodrigo Borgia – interprété par John Doman. Après son élection à la tête du Saint-Siège en 1492, le nouvel évêque de Rome, en fin stratège politique, va jouer des coudes pour faire perdurer sa dynastie à travers sa progéniture, aussi illégitime soit-elle.
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En pratique, l’histoire de la famille Borgia sert davantage de caution historique pour proposer un triptyque cinématographique franchement ennuyeux : du sexe, des batailles, une stratégie politique de façade, et encore du sexe. On n’attendait pas franchement la saison 3… ni la 2.
4. Conclave
C’est le film du moment, dernier né de la litanie de films sur la papauté, celui sur lequel Amazon compte bien capitaliser, la mort du pape François aidant. Sorti au cinéma en 2024, l’œuvre réalisée par Edward Berger et inspirée du roman éponyme de Robert Harris narre comment, Thomas Lawrence, doyen des cardinaux joué par l’acteur anglais Ralph Fiennes, doit organiser l’élection du nouveau pape, après la mort du dernier souverain pontife.
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Au-delà de son aspect extrêmement didactique sur les règles ancestrales qui régissent la nomination de celui qui s’assoit sur le trône de Saint-Pierre, le long métrage salué par la critique populaire et professionnelle nous plonge dans un thriller au cœur des scandales du Vatican. La lutte de pouvoir entre les favoris est parasitée par plusieurs affaires qui risquent de mettre à mal la réputation déjà très émaillée de l’Église, mise en image par des plans à la symétrie parfaite, bien aidés par la beauté des décors qui reproduisent, notamment, la chapelle Sixtine.
Le montage quelque peu grandiloquent est lui-même mis en valeur par la bande originale puissante du compositeur oscarisé Volker Bertelmann. Vrai point faible du film : son dénouement un poil tiré par les cheveux, que nous ne détaillerons pas pour ne pas « divulgâcher » la fin de l’œuvre.
3. Habemus papam (2011)
Un film qui n’a de religieux que le nom. Si le personnage principal du film de Nanni Moretti n’est autre que le cardinal Melville, fraîchement élu au plus haut rang de la foi catholique, l’intrigue dépasse les enjeux de son sacerdoce. Lors de sa première apparition au balcon de la basilique Saint-Pierre à Rome en tant que nouveau souverain pontife, le cardinal est frappé d’une angoisse qui le paralyse et l’empêche de se présenter aux fidèles.
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Paniqué, le pontife se mure dans un silence que le réalisateur interprète à l’aune de diverses hypothèses aussi ordinaires que mélancoliques, voire franchement humoristiques. On y revient pour le jeu exceptionnel de Michel Picolli, sacré meilleur acteur par l’Académie du cinéma italien qui lui a remis le David de Donatello – l’oscar italien.
2. Les deux papes
Il a sa place dans la liste des très bons films papaux. Déjà parce qu’il contient « deux papes », d’où son nom : Benoit XVI, qui s’apprête à abdiquer et cherche un successeur à adouber, et Jorge Bergoglio, appelé à devenir François. Principal atout du film : les spectateurs les moins vaticanistes en apprennent plus sur les différences idéologiques profondes entre le 265e et le 266e chef d’État du Vatican. Aussi, il permet de mieux comprendre d’où vient la « théologie de la libération » portée par l’ancien archevêque de Buenos Aires, ainsi que son passé trouble en Argentine, sous la dictature militaire. Les deux acteurs, Anthony Hopkins et Jonathan Price, livrent une performance remarquable, en plus de ressembler grandement à Ratzinger et Bergoglio, ce qui n’enlève rien.
1. The Young pope (2016) & The New pope (2020)
La mini-série à succès du réalisateur Paolo Sorrentino détonne dans le paysage des « Papa movies » en racontant l’ascension du jeune Pie XIII, premier Pape italo-américain de l’Histoire. Interprété par le très charismatique Jude Law – nominé à quatre reprises dans la catégorie du meilleur acteur – le réalisateur italien nous accroche avec un souverain pontife réactionnaire à la personnalité énigmatique et solitaire.
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La série se démarque de ses concurrentes par la mise en avant de protagonistes féminins centraux, à l’instar de Sœur Mary, secrétaire personnelle et confidente de Pie XIII (Diane Keaton), ou Esther (Ludivine Saugnier) l’une des rares à apprivoiser la personnalité de l’évêque de Rome. Ajoutez à ça une photographie spectaculaire et une bande sonore surprenante allant du tube « Sexy and I Know It » de LMFAO aux classiques « X » de Dean Blunt et le succès est garanti… au point de repartir pour une deuxième saison avec The New Pope, où Jean-Paul III (John Malkovich) prend la succession de Pie XIII.
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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne