“Non, l’enseignement supérieur français ne surproduit pas d’élites !”

Marianne - News

https://resize.marianne.net/img/var/celgHbqlCc/asrDPu7lAY4hh9Abm/asrDPu7lAY4hh9Abm.jpg









“Non, l’enseignement supérieur français ne surproduit pas d’élites !”





















« Les diplômes deviennent de simples produits dont le prix varie au rythme de l’offre et de la demande »
Hans Lucas via AFP

Tribune

Par Camille Mongin

Publié le

Pour Camille Mongin, secrétaire nationale de l’Union des Étudiantes et Étudiants communistes (UEC), la cause du déclassement scolaire est avant tout à chercher dans les mauvaises réformes menées par l’État, concernant les universités.

Il est clair que les jeunes diplômés rencontrent de plus en plus de difficultés à trouver un emploi à la hauteur de leur qualification. Mais que faut-il en conclure ? Dans Le Figaro, certains invoquent une prétendue « surproduction d’élites » qui mènerait au déclassement des bac +5. En somme : on formerait trop, on formerait pour rien.

À LIRE AUSSI : “Des enseignants protègent des profils, c’est de la cooptation” : ils ont un bac +5 et ne trouvent pas d’emploi

Osons le dire clairement : ce discours est celui de la résignation. Celui de celles et ceux qui acceptent que notre pays décline, produise moins, forme moins, décroît. Nous refusons cette vision d’une société rabougrie, condamnée par les logiques libérales, et qui n’a rien à offrir pour l’avenir de ses jeunes.

Des diplômes dévalorisés et un avenir sacrifié

Depuis le processus de Bologne en 1998 et la loi LRU de 2007, l’enseignement supérieur a été entraîné dans une logique d’autonomisation. Mais cette « autonomie » est un leurre : elle signifie l’abandon de toute politique publique ambitieuse de planification de l’enseignement et de la recherche. Elle signifie la mise en concurrence généralisée des universités, des diplômes, des chercheurs et des étudiants eux-mêmes.

À LIRE AUSSI : Ryùgo, bac+5 en création numérique, sans emploi : “Le seul entretien que j’ai décroché était une arnaque”

Les diplômes deviennent de simples produits dont le prix varie au rythme de l’offre et de la demande. L’État, encouragé – si ce n’est soumis – par l’Union européenne, renonce à son rôle de stratège et de planificateur. Comment s’étonner que tant de jeunes diplômés peinent à trouver leur place ? L’État ne pilote plus, ni la formation, ni la production.

Nous formons chaque année des milliers de jeunes qui, faute de débouchés, changent de filière ou parfois partent à l’étranger. C’est un véritable gâchis qui s’organise dans l’indifférence. Comme si nous pouvions nous permettre de nous passer de ces forces vives.

Vers le choix du déclin ?

Le constat est sans appel : nous sommes confrontés à une érosion de notre appareil productif. Depuis le début de l’année, le nombre de fermetures d’usines dépasse celui des ouvertures, et la part de l’industrie dans le PIB baisse continuellement. Rien n’est fait pour inverser la tendance.

En imposant ses règles de libre concurrence, et de limitation de l’intervention publique, l’Union européenne empêche une réindustrialisation efficace : les plans d’austérité se succèdent, et pendant ce temps, on débat de la manière de se partager le gâteau. Un gâteau toujours plus petit.

À LIRE AUSSI : Dogmatiques, autocentrés, déconnectés… Les bac + 5 sont-ils tous des connards ?

Pourtant, c’est l’inverse qu’il nous faut : un gâteau plus gros. Il faut produire plus, et mieux. Il faut former davantage de travailleurs, scientifiques, techniciens, ingénieurs, enseignants, soignants. La crise hospitalière, les pénuries d’enseignants, les déserts médicaux, les retards technologiques… tout cela témoigne d’un déficit de formation, non d’un excès.

Portons une nouvelle ambition

Nous portons une nouvelle ambition : celle d’un enseignement supérieur au service du progrès, de la souveraineté, et de l’émancipation. Nous voulons former plus, et former mieux. Nous voulons un pays qui donne aux jeunes diplômés, les moyens de construire l’avenir.

Il nous faut offrir des perspectives. Cela suppose de repenser notre manière d’organiser le travail et la production : créer des emplois utiles et bien rémunérés, reconstruire nos filières industrielles et de recherche, planifier la formation en fonction des besoins du pays.

À LIRE AUSSI : Emma, diplômée d’une école d’arts appliqués renommée : “En tant qu’alternante, j’ai dû être cheffe de projet”

Plutôt que de céder aux sirènes d’un prétendu « trop-plein » d’élites, il est temps d’assumer un cap de progrès. Revaloriser les diplômes, redonner du sens à la formation, planifier les besoins et retrouver notre souveraineté : voilà la marche à suivre.

L’enseignement supérieur n’est pas un luxe, c’est une condition nécessaire pour l’avenir. Accepter de former moins, c’est accepter le déclin. Assumer de former plus et mieux, c’est se doter des leviers de transformation dont le pays a besoin.


Nos abonnés aiment

Plus d’Agora

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne

0 0 votes
Article Rating
S’abonner
Notification pour
guest
0 Comments
Le plus populaire
Le plus récent Le plus ancien
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Welcome Back!

Login to your account below

Create New Account!

Fill the forms below to register

Retrieve your password

Please enter your username or email address to reset your password.

Add New Playlist

0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Are you sure want to unlock this post?
Unlock left : 0
Are you sure want to cancel subscription?